Dire adieu à un être aimé

Article : Dire adieu à un être aimé
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19 juin 2021

Dire adieu à un être aimé

Comment écrire la mort ? C’est la question que je me pose en ce moment. Il y a plus d’un mois de cela, ma mère est décédée. J’ai reçu la nouvelle comme une décharge électrique. Et au moment où j’écris ces lignes, je ressens un vide énorme à l’intérieur de moi. C’est comme si quelqu’un m’avait violemment arraché quelque chose à l’intérieur de la poitrine. Et qu’on me demandait ensuite, de vivre sans. 

Je regardais toujours la mort du coin de l’œil. Dans ma tête c’était réservé aux autres. Je me disais qu’elle allait venir, qu’elle faisait partie des nombreuses réalités de la vie. Je m’offrais le luxe d’avoir une opinion sur la mort parce que je ne l’avais pas encore vécu aussi intensément, aussi proche. Mais quand elle t’arrache quelqu’un à qui tu tiens et surtout sa mère, qui compte plus que tout, on perd toute intellectualité, toute capacité à faire la part des choses. 

Vivant en France depuis quatre ans, j’ai dû rentrer en urgence en Haïti pour participer aux funérailles. La boule au ventre m’a accompagnée tout le long du voyage. J’appréhendais tant ce moment, mes tripes étaient en feu et se liquéfiaient à l’idée de voir ma mère dans un cercueil. Cette image serait pour moi insurmontable. La dernière fois que j’ai vu ma mère en face, elle me souhaitait bonne chance pour mes études en France, il y a 4 ans de cela. Et pendant ces 4 années, nous avons vécu au rythme des 6 heures de décalage, des appels téléphoniques et des visioconférences. 

Je projetais cependant, d’aller passer du temps avec elle, lui parler de mes réussites, de mes projets, de mes ambitions. Lui parler de mes fêlures et de ma force. Lui raconter les contrées traversées, les gens que j’avais rencontrés. Mais le Covid-19 a fermé les frontières du monde, ce qui a retardé et reporté mon voyage.  

J’aimais ma mère et je l’aime plus que tout, bien qu’on ne se disait pas les mots. Dans certaines familles, c’est une expression qui ne sort pas souvent. Ce n’est pas par manque d’amour mais d’autres choses remplaçaient cette petite phrase, si magique, si vide de sens parfois et si nécessaire. Ma mère était une source inépuisable d’inspiration, je tournais mon regard vers elle chaque fois que j’avais envie de renoncer, de lâcher prise. Et je voulais toucher l’horizon, juste pour qu’elle soit fière de moi et des sacrifices consentis. 

J’ai laissé Haïti avec l’idée que la personne que j’ai vue dans le cercueil ce jour-là, ce n’était pas mère. La personne joyeuse, pleine de vie, drôle, qui a tant donné à la vie et à ses enfants, ne pouvait pas se permettre de rester immobile en entendant le cri de ses enfants. Même en étant devant le cercueil le jour des funérailles, il y a une partie de moi qui refusait la réalité. Mon subconscient a rejeté l’information, peut-être était-ce pour me protéger de l’avalanche d’émotions qui accompagne la perte d’un être cher ? Même après un mois, j’ai encore de l’espoir que ce soit une mauvaise plaisanterie. 

Faire son deuil 

Quand on me demande comment je vais ces derniers jours, je réponds que ça va aller. Je vis la vie à petite dose, une journée à la fois. Je réponds sans vraiment peser mes mots, sans prendre le temps de faire une introspection. Je n’ai pas envie de dire comment je vais, car je ne veux pas imposer à l’autre le poids de ce deuil, de ce manque. Je me dis que le deuil est un cheminement solitaire, accepter que l’autre a traversé, accepter de ne vivre qu’avec des souvenirs. Même dans une famille soudée, chacun vit le manque à sa manière. 

Depuis le départ de ma mère, avec mes sœurs et frères, on se parle presque quotidiennement. On se donne des nouvelles, on essaie de s’épancher, sans faire porter le poids de son deuil à l’autre, car chacun de nous a vécu une relation très personnelle avec notre mère.   

J’ai voulu écrire sur cet événement, car je me dis que peut-être, l’écriture est l’étape zéro vers l’acceptation de la réalité. Apprendre à vivre au jour le jour sans ma mère, sans oublier sa mémoire. Quand à la fin de la journée, je n’ai plus de réunions, plus d’appels, plus de rencontres, dans l’obscurité de ma chambre, je laisse les larmes couler. 

Il y a tellement de choses que je n’ai pas eu le temps de lui dire. 

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Commentaires

Saint louis
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Toutes mes condoléances
Du courage mon ami, c’est un passage obligé.

Soucaneau Gabriel
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Merci beaucoup !

PETIT-CARLS
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Mes sincères condoléances.
Sois fort !!!

Soucaneau Gabriel
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Merci à toi.

Kenson CYLE
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Je ne savais pas cette mauvaise nouvelle mon Frère !!!
Toutes mes condoléances et du courage Frero

Soucaneau Gabriel
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Merci frère

Patrick André
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Toutes mes condoléances, Soucaneau. Ton texte m'a apporté toute ta douleur. Je te souhaîte beaucoup de courage et de persévérance.

Soucaneau Gabriel

Merci bcp Patrick !

Délivrance

Mon cœur s'est porté vers toi en lisant ce texte.
Je pleure ton manque & ton deuil. Toute ma sympathie.

Woodzor Similien
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Mes sincères condoléances cher Soucaneau. Ma douleur dans la maladie de ma mère me laisse imaginer un tout petit peu comment ça peut être dur de la perdre. Tiens bon mon ami.

Soucaneau Gabriel
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Merci bcp pour tes mots Woodzor, courage à toi également.

Louna
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Bonjour Gabriel,

Encore toutes mes condoléances, ton témoignage très touchant, ta Maman est fière de toi ❤
Beaucoup de courage et de force durant ce deuil, Dieu t'accompagne
N'hésite pas si besoin de parler, notre rencontre lors de ce fameux vol Haïti/Paris en 2017
À bientôt Gabriel

Soucaneau Gabriel
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Bonjour Louna,
Un plaisir de te lire et merci pour tes mots de réconforts. ça a été vraiment un plaisir de te rencontrer sur ce vol Port-au-Prince - Paris. Je n'hesiterai pas à prendre contact avec toi.