Soucaneau Gabriel

Vingt-troisième édition de Livres en Folie, plus grande foire du livre en Haïti

Pour mieux connaitre un peuple, il faut fouiller dans sa littérature. Je ne me souviens plus où j’ai lu ça ou si je l’ai inventé de toutes pièces. Mais ça me saute au visage comme une évidence, qui peut mieux, à part ses écrivains, nous faire visiter les couloirs d’un pays, son histoire, ses mœurs, ses rêves et ses secrets. Une centaine d’auteurs ( soit 145 et 2369 titres disponibles) ont signé leurs dernières œuvres. Livres en Folie est le rendez-vous par excellence du lectorat haïtien et de tout étranger présent sur le territoire désireux d’en  savoir un peu plus sur ce peuple résilient aux vents des quatre coins du monde. Organisé le 15 et le 16 juin, Livres en Folie, c’est deux jours de folie autour du livre.

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L’année dernière, nous nous sommes délectés avec plaisirs des œuvres de Marie Vieux Chauvet, l’invité d’honneur de la 22e édition. Pour ma part, j’ai lu avec avidité et plaisir  ‘’Amour, Colère et Folie’’, une œuvre majeure de l’auteur. C’est toujours un grand moment pour les organisateurs de la foire du livre de dévoiler quelques mois à l’avance le visage qui sera l’invité d’honneur. Pour cette 23e édition, ils nous ont gâté avec deux invités à l’affiche. Deux visages. Deux générations. Deux parcours différents et bien sûr deux démarches différentes. Odette Roy Fombrun et Makenzy Orcel. Deux figures majeures de la littérature contemporaine haïtienne.

La cour du Musée du Panthéon National Haïtien (Mupanah) a vibré sous le poids de l’activité. Près de dix mille personnes ont fréquenté l’espace le premier jour, selon Frantz Duval au micro de Radio Soleil. Frantz Duval est le rédacteur en chef du quotidien haïtien Le Nouvelliste, organisateur de l’évènement.

Livres en Folie est une vitrine qui présente les dernières parutions des auteurs. C’est aussi un lieu de rencontres et de découvertes. Pour ma part j’ai rencontré pleins d’amis que j’avais perdus de vue. Entre salutations, achat de livres et séances signatures, quelques impressions.

Une ligne interminable. L’entrée se faisait en face du Musée de la Faculté d’Ethnologie et lorsque j’ai vu ces deux lignes interminables, j’ai failli rebrousser chemin. Heureusement que mes potos Obed Lamy Et Mustapha Falestin m’ont dissuadé, un peu de patience et quelques minutes plus tard, on passait le portail de sécurité.

La grande fouleLe Mupanah fut choisi pour son accessibilité. Placé au cœur du Champs-de-Mars au centre-ville, c’est le lieu idéal cette année pour réunir les auteurs en signatures, les maisons d’édition, les lecteurs et surtout les curieux en quête de tout et n’importe quoi. Sauf que la cour du Mupanah était rempli comme un œuf, ce qui a rendu la circulation difficile et l’achat de livre un peu pénible. C’était comme au carnaval. Pendant les deux jours 17 000 visiteurs ont fait le déplacement d’après les chiffres avancés par Le Nouvelliste.

Complètement perduPris en sandwich de tous les côtés par cette foule en quête de livres ou d’autres choses, je ne sais pas, moi, il m’était un peu difficile de m’orienter. Où trouver les livres ? Où sont les auteurs ? Où payer ? Cela m’a pris quelques minutes pour avoir une idée de tout ça et m’orienter avec plus d’aisance. Une description du site à l’entrée aurait permis plus de fluidité. 

Encore des lignes. Pour vérifier que les livres sont disponibles, pour payer et pour les récupérer. Il fallait de la patience. Mais  j’aurais tout fait pour L’ombre animale et La marquise sort à 5 heures.

Mes achats de l’année

Soucaneau Gabriel

L’ombre animale de Makenzy Orcel et La Marquise sort à cinq heures de FranckÉtienne sont mes achats de cette année. Ces achats sont pour moi une façon d’entrer dans le monde de ces écrivains. J’ai lu quelques vers de FranckÉtienne par le passé,mais j’ai voulu une invitation plus intime. Et à travers ce livre, je sens (je ne saurais vous l’expliquer) que Franck m’ouvre une porte, me tend la main et me dit d’entrer.  De même pour Makenzy Orcel, j’avais entamé Les latrines il y a quelques temps déjà mais je ne l’ai pas terminé. L’ombre animale est cette carte d’invitation pour une visite qui se promet d’être riche en rebondissements. Les latrines, j’y reviendrai.

Inquiétude

En voyant l’affluence de cette foule sur le site de la foire, je me suis demandé s’ils sont tous là pour acheter des livres ? Ou est-ce le besoin d’activité récréative qui réunit ce beau monde ? Je souhaiterais que le livre reste ce qu’il est, avec ses légendes, et non la tendance du mois, la mode qu’il faut à tout prix porter si on veut être dans le vent. Le livre n’est pas une célébrité d’un moment. Le livre est intemporel. La lecture sauve des vies.

Et maintenant que vous vous êtes offert ces bouquins, soit parce qu’ils ont été écrits par la célébrité du moment ou parce que vous êtes un lecteur qui suit l’œuvre d’un écrivain comme moi je le fais avec Lyonel Trouillot et Yanick Lahens, lisez-les.

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Port-au-Prince, quête de repère, 268 ans plus tard

Port-au-Prince, terre de Légende
Derrière ce rideau de poussière et ce spectacle de tôles multicolores à chaque coin de rue, nous rappelant un grand chantier, sommeille Port-au-Prince, fondée le 13 juin 1749. Une ville de légende où pétille avec nostalgie l’œil d’autrefois. Les restes du passé perdurent encore dans les murs d’aujourd’hui, l’histoire est encore là, palpable. Port-au-Prince à tout prix essaie de résister face aux périls du temps, grâce à ses légendes, grâce à la prière de ses dieux, grâce à la bravoure de ses ancêtres, grâce à l’encre de ses écrivains. Port-au-Prince se dose de nouveaux repères, continue d’écrire l’histoire dans une version contemporaine et tente d’inspirer ses fils. Port-au-Prince, quand les images fouettent les souvenirs, 268 ans plus tard.

Champs de Mars, où dansent plaisir et politique.

Flickr : OIM Haiti

Comment définir le mot festif ? Entre les nombreuses propositions des dictionnaires, nous, on se réfère au Champs de Mars, bastion du farniente par excellence. Cette vaste place publique environne et compose avec la Place Dessalines, la Place de l’Indépendance, le Palais National, la tour 2004, le MUPANAH, le ciné triomphe, le Rex théâtre, Le Kiosque Occide Jeanty, l’immeuble des pompiers, le ministère du tourisme, le musée St-Pierre. L’aire du Champs de Mars offre le plateau idéal pour les foires, les carnavals et où se perpétue depuis des lustres les expositions en plein air, l’artisanat sous toutes ses formes, les restaurants diurnes et nocturnes, l’agora de la place Toussaint Louverture. Champs de Mars possède le secret pour équilibrer plaisir et politique, un peu plus bas au Palais National se prennent les grandes décisions qui régentent le cours de l’histoire. Champs de Mars c’est aussi les rencontres fortuites, les sorties entre amis, les étudiants qui révisent entre eux, les promenades longues et paresseuses du dimanche à essayer de faire perdurer le week-end.

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Contre l’oubli, le Nègre Marron. 

Flickr : Steve Bennett

Ce statut érigé en face du Palais National est un puissant élément historique qui est là pour nous rappeler notre parcours de peuple. Nègre Marron fait référence au marronnage du temps de l’esclavage, le marronnage était l’un des premiers signe de rébellion dont les esclaves avaient fait montre face à l’atrocité du système. Sculpté par Albert Mangonès en 1959, le Marron tient dans sa main droite une machette, symbole de la résistance des esclaves face au système et dans l’autre main, une gourde.

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Le passé sur les pas de l’avenir, la Tour 2004. 

Tour 2004
Monument for Haiti’s bicentenary (Wikimedia Commons) Stefan Krasowski

Érigée au Champ de Mars à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance Nationale, le chantier est inachevé mais la construction témoigne d’une certaine idéologie, la grandeur, la force, le courage. Décorée pendant les périodes de fête, surtout à Noël, la tour est devenue un point de repère pour nombre de Port-au-Princiens.

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Pour la Grandeur et la lumière, le palais National. 

Le Palais National d'Haiti
Flickr: Michelle Walz Eriksson

L’orgueil de la Nation Haïtienne pendant plusieurs décennies, détruit par le violent séisme du 12 Janvier 2010. Le Palais National ou Palais Présidentiel est la résidence du # 1 de la nation. Construit en 1918, sur les plans de l’architecte Georges Baussan, haïtien ayant étudié à l’école des beaux-arts de Paris, ce monument titilla la jalousie de plus d’un par son imposante architecture et son style puisé dans le néo-classique français. Les coûts de reconstruction s’élèvent à 100 millions de dollars américains, d’autres priorités ont pris le dessus sur la reconstruction. Mais on ne saura oublier comment il a brillé de mille feux sous les luminaires pendant la période de noël, quelques jours avant la catastrophe. 

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 Pour la compétition et la gloire, le Stade Sylvio Cator.

https://www.radiosoleil.org

Le stade Sylvio Cator est le seul de la capitale et même du pays, portant fièrement le nom de l’athlète haïtien médaillé d’argent au saut en longueur aux Jeux Olympiques d’été de 1928. Il fut également le maire de la capitale en 1946. Inauguré en 1953, le Stade Sylvio Cator compte maintes manifestations sportives et culturelles. Les étoiles du football brésilien y ont foulé sa pelouse en 2004, pour un match en faveur de la paix.

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Le marché de fer. L’ère du temps.

Marché Hyppolite.
Flicker : Ruth Edwards

Élevé au niveau de patrimoine historique par l’ISPAN, un monument emblématique dans l’aire métropolitaine. Construit dans les années 1890 sous le gouvernement de Florvil Hyppolite, il fut ravagé à plusieurs reprises par de grands incendies. Totalement endommagé par le séisme du 12 janvier 2010, il sera reconstruit une année plus tard. Maintenant c’est dans un bâtiment flambant neuf, propre et muni de tous les conforts nécessaires que le commerce de l’artisanat fleuri au centre-ville.

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La matrice protectrice, Madan kolo 

On n’a pas pu trouver de la documentation sur l’érection de cette statue, l’histoire n’en fait pas une très grande mention. On retrouve sa trace plutôt dans certains textes poétiques où souvent on y fait référence comme étant la mère, la gardienne de Port-au-Prince. Le jargon haïtien en use souvent pour en faire des expressions assez variées. Mais elle est là, au beau milieu de la rue Tire-masse, veillant jalousement sur un secret dont cette génération ne saura jamais la teneur.

 

 

 

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Notre Dame du Perpétuel Secours. Patronne d’Haïti

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Icone miraculeuse datant du XIVe siècle, son histoire avec Haïti remonte à la guérison miraculeuse de la petite vérole vers les années 1800, rattachée à la chapelle du Bel-Air, elle est fêtée le 27 Juin.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Parc Naturel de Martissant. Un poumon au sud de Port-au-Prince

S’étalant sur 17 hectares au sud de Port-au-Prince dans la section communale de Martissant, le parc est un site naturel et écologique intéressant. Le parc se situe entre le morne l’Hôpital et le bord de mer, il s’étale sur 4 habitations, les Résidences des Mangonès et de Catherine Dunham, l’habitation Pauline et l’habitation Leclerc, devenues publiques par l’arrêté présidentiel de 2007 qui a créé le parc de Martissant. Propre et bien entretenue, il regorge d’arbres fruitiers et d’autres espèces. Le parc offre aux visiteurs calme, verdure et farniente. Un mémorial aux victimes du 12 Janvier 2010 y a été érigé, où les familles des victimes viennent se recueillir. Le Parc va hériter d’un centre culturel, d’un jardin médicinal, d’un parc botanique et d’un institut des métiers de l’environnement.

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Pour la mémoire, le MUPANAH

Le Musée du Panthéon national haïtien représente le patrimoine historique et culturel haïtien. Inauguré en 1983, il vise à perpétuer et à diffuser le souvenir des pères de la patrie. Le MUPANAH est une institution qui a pour mission de conserver, de protéger et de valoriser le patrimoine historique et culturel, par ailleurs il participe à la formation, l’animation et la promotion de ce patrimoine ainsi qu’à l’enrichissement de ses fonds documentaires et de ses collections par l’acquisition d’œuvres artistiques. Logé au cœur du Champs de Mars, dans l’aire du Palais National, il sert de lieu de documentation aux étudiants, chercheurs, visiteurs, touristes en quête de repères historiques.

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BRH

La Banque de la République d’Haïti est une institution financière qui joue le rôle de banque centrale du pays. Elle a le pouvoir d’énoncer, de diriger et de superviser la politique monétaire. Elle autorise l’impression de billets et la frappe de monnaie et détermine les volumes des émissions en accord avec la loi. Sa date de création remonte à 1979, sa devise est la gourde haïtienne, son site officiel est le www.brh.net

 

 

 


La sexualité et l’érotisme chez Fedna David, mondoblogueuse haïtienne

D’un blogueur à un autre

J’ai croisé la route de Fedna Perla David en novembre 2016. Nous faisions partie des blogueurs retenus par la plateforme Mondoblog de RFI pour suivre une formation sur le blogging à Madagascar. Nous sommes tous les deux haïtiens. Depuis cette rencontre (où, ensemble, nous avons arpenté les rues d’Antananarivo) et depuis notre retour en Haïti, nous lisons discrètement nos billets de blogs respectifs et nous nous parlons de temps en temps.

Fedna David, à travers son blog sexeettabous.mondoblog.org scrute à la loupe le thème de la sexualité, avec un plaisir mesuré et taquin. Ce sujet encore tabou en Haïti, aujourd’hui encore on n’en parle pas ouvertement et librement. Certes les esprits ont un peu évolué depuis l’invasion des réseaux sociaux dans notre quotidien, mais nous avons quand même grandi avec l’idée que la sexualité était quelque chose de sale, un péché, et qu’il fallait se fourbir au gant de crin si on y avait goûté.

Pour parler de sexualité en Haïti, il faut fermer les fenêtres et parler à voix basse, comme un chrétien dans le confessionnal. Nous vivons avec une image dégradante de la sexualité. Les hommes, sur un ton dominant, en parlent avec des mots qui ne sont pas toujours très flatteurs et il n’est pas question pour une femme d’affirmer son désir et de prendre des initiatives, on la traiterait de tous les noms.

Mais Fedna David fait partie de cette génération qui bouscule les tabous, les idées reçues, et toutes ces règles qui sont écrites nul part mais que nous suivons pourtant scrupuleusement. Être une femme fontaine, jouir avec un sextoy, les étapes d’une bonne relation sexuelle, la masturbation sont les sujets déjà traités par la blogueuse. Cette semaine, autour d’un café, nous avons parlé de cette passion commune qu’est le blogging et la blogosphère haïtienne, nous avons aussi ressassé nos souvenirs de Madagascar et surtout, curieux comme moi seul, j’ai tiré les vers du nez à celle qui parle de sexualité comme elle parlerait du soleil qui se lève et du temps qui passe !

Photo: Soucaneau Gabriel . Au bar à liqueur Mojo, Tananarive

 

  • D’où t’es venue l’idée et la passion de bloguer?
    Fedna David : J’ai découvert le blogging grâce à un ami et, peu de temps après, j’ai découvert Mondoblog. J’étais fascinée par certains mondoblogueurs, je suivais de près cinq ou six blogs en jetant un œil de temps en temps sur les autres blogs de la plateforme. Entre temps, j’ai appris un peu le codage et les techniques du blogging et, un an plus tard, j’intégrais Mondoblog. Je me suis alors mise à bloguer très naturellement et c’est devenu une vraie passion, qui grandit de jour en jour.

 

  • Comment as-tu vécu l’expérience de Madagascar ?
    Fedna David : Ce fut une expérience extrêmement enrichissante et surtout inoubliable. J’y ai rencontré des gens vraiment extraordinaires et formidables. Moi qui, généralement, ne suis pas très à l’aise en présence d’étrangers, j’appréhendais cette formation… mais très vite j’ai été dans mon élément ! Il faut dire aussi qu’on m’avait réservé un accueil mémorable. Apparemment, tout le monde attendait de rencontrer cette fille qui parlait de sexe aussi ouvertement ! Avec les autres mondoblogueurs, nous avons appris à nous connaître, et je me suis vite sentie chez moi. Ces dix jours passés à Tana, avec des blogueurs venus de pays différents, est l’une des plus belles choses qui me soit arrivée. J’y ai appris beaucoup. A la fin du séjour, au moment de se dire au revoir, ce fut vraiment douloureux et triste.

 

  • Quels sont tes rapports avec tes lecteurs ?
    Mes rapports avec mes lecteurs sont très motivants. Ils me font des retours après chacun de mes articles que je prends soin d’écrire avec simplicité. Même si ce n’est pas toujours pour dire de belles choses. « LA » question qui revient souvent est celle de savoir si je fais tout ce je raconte ou si je ne fais que raconter des histoires ou encore si ce sont des histoires personnelles que je maquille sous des fictions… Certains osent même me demander de leur apprendre à mettre en pratique ce que je propose dans mes articles ! Moi, cela me fait rire tout simplement. Il y en a aussi qui viennent vers moi très sérieusement pour me demander de leur apprendre à être plus épanouis dans leur vie sexuelle. Je suis devenue une sorte de coach de vie sexuelle et je me fais un plaisir de les aider. Mais naturellement je n’en abuse pas et je leur signifie clairement que je ne suis pas sexologue. Il y a aussi des lecteurs que je rencontre dans la vie réelle qui aiment vraiment parler de ce que je raconte sur mon blog. Cela donne souvent lieu à des débats animés et constructifs, dans le respect. J’ai même une amie qui connait un de mes articles par cœur comme un beau poème et lorsqu’elle me l’a récité comme ça un beau jour, j’en étais ébahie et surtout très fière. C’est très encourageant et ça me fait aimer encore plus ce que je fais. Car je le fais avant tout pour moi.

 

  • Tu as un blog spécialisé où tu parles de sexualité, pourquoi avoir choisi ce thème ?
    Mon blog parle effectivement de sexualité et d’érotisme et des tabous qui les entourent, mais il arrive aussi que je parle d’autres choses. D’une franchise naturelle, je n’éprouve généralement aucun mal à parler de sexe et consorts. J’y prends même beaucoup de plaisir et ça me désole de voir combien il est difficile pour les autres d’en parler, comme si c’était quelque chose de malsain et de dégradant qu’il fallait cacher à tout prix.  Pour les filles c’est encore beaucoup plus difficile, car elles sont plus stigmatisées, intimidées et exploitées sur le sujet. Alors, sur mon blog, j’ai décidé de prendre leur parti. Je tente de leur faire comprendre que le sexe n’a rien de vilain, que c’est d’abord un besoin duquel on peut tirer énormément de plaisir et de bonheur et qu’il convient d’en parler aussi sereinement et proprement, comme on aurait parlé de manger un plat exquis ou de comment bien prendre soin de son corps. Je parle pour elles, certes, mais pas uniquement. Au final, tout le monde y trouve  son compte.

 

  • Tu n’as pas peur des critiques ? N’y a-t-il pas des gens qui voient d’un mauvais œil une femme qui parle librement de sexualité ?
    Les mauvaises critiques, j’en reçois, et j’en reçois presque autant que je reçois de bonnes critiques. Certains ne se gênent nullement pour me traiter de débauchée ou de dévergondée, on me faire la morale dans des messages « longs comme ça ». Il y en a même un qui m’a dit de vive voix que ce sont les gens comme moi qui empêchaient le changement du monde. Dieu voit pourtant que je ne fais absolument rien de mal. Alors je n’y fais tout simplement pas attention. C’est pourquoi je me bats Je constate petit à petit du changement chez les gens qui m’entourent et qui me lisent, et ça, c’est mieux que toutes les mauvaises critiques qui me sont faites !

 


Au cœur de l’échange. Les grands marchés de Port-au-Prince

L’aube se pointe doucement, les conversations s’amplifient, les corps se déplacent à la lumière des lampadaires, des camions se déchargent, des marchands ambulants se frayent déjà un passage, apportant le thé ou le café. Des guerriers qui osent devancer les rayons du soleil. Ils défont des cartons, les étagères et les rayons se remplissent. Le soleil se lève enfin, avec la promesse d’une nouvelle journée chargée de responsabilités et de surprises. Cette scène se répète chaque jour dans les grandes artères commerciales de l’aire métropolitaine.

Les marchés publics font partie intégrante du rythme de vie de la population Port-au-Princienne. Certains d’entre-eux desservent depuis des décennies, tissant leurs propres histoires, protégeant leurs secrets. Le commerce est l’un des piliers économiques du pays, aidant la population à tenir face au chômage.

Le Marché en fer

Marché Hyppolite / Flicker Ruth Edwards

Connu aussi sous le nom de marché Hyppolite ou marché Vallières, il fut construit sous le gouvernement de Florvil Hyppolite dans les années 1890. Une structure en fer imposante surmontée d’un dôme avec une horloge sur le fronton d’entrée avait pour mission solennelle de donner l’heure aux visiteurs. Peint entièrement en rouge et vert, il sombra sous les incendies à plusieurs reprises, dont la dernière en date remonte à 2008. Le séisme du 12 janvier acheva ce qui restait de la structure. Élevé au niveau de patrimoine historique par l’institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), il sera reconstruit en 2011 pareil au premier avec le concours financier de l’homme d’affaire Denis O’Brien, propriétaire de la compagnie de téléphonie mobile Digicel. Le marché est autonome en matière d’électricité et offre toute une panoplie de produits artisanaux,  produits de beauté, fruits, légumes et même un stand qui offre des journaux nationaux et internationaux.

 

Le marché de la Croix-des-Bossales

Sac de charbon au marché Croix des Bossales. Flicker Isabeau Doucet

Un nom qui en dit long et qui évoque des souvenirs pas très joyeux. Si on feuillette l’histoire,  elle nous dira que ce nom vient de la traite des noirs. Cette zone servait de débarquement aux bateaux transportant les nègres d’Afrique. Aujourd’hui encore, la presse n’en parle pas avec des mots très flatteurs. Spirale de terreur, parodie de marché, décharge publique, le plus grand marché de l’air métropolitaine souffre et la douleur ne vient pas des mots auxquels on fait appel pour en parler mais plutôt le contraire, l’état de la zone inspire des mots qui font référence à la puanteur. Réhabilité à plusieurs reprises, il reprit lentement son revêtement comme si le nom ne pouvait évoquer autre chose que relent et détritus. Offert comme cadeau en 2008 par la république Bolivarienne (Venezuela) le marché est assis sur 70 000 mètres carrés et représente un défi sanitaire de taille.

 

Le marché aux  fruits et légumes de Pétion ville

Crédit : Soucaneau Gabriel

Construit sous le gouvernement de Michel Martelly, ce marché loge les vendeurs qui autrefois investissaient les trottoirs de la Rue Ogé. Inauguré le 19 Septembre 2014, le marché repose sur 345 mètres carrés et offre le confort de trois douches, un bloc sanitaire, quatre dépôts et un réservoir pouvant contenir dans les 10.000 gallons d’eau. Les étagères très achalandées proposent couleurs et saveurs aux acheteurs, les fruits murs flattent l’odorat des passants qui souvent tombent sous la magie. Au marché de fruits et de légumes de la rue Ogé, les étalages ne désemplissent pas. Les acheteurs se font plaisir quotidiennement.

 

Marché des fleurs de Pétion-ville

Photo : Soucaneau Gabriel

Placé à l’intérieur de la place St-Pierre depuis sa réhabilitation sous le gouvernement de Michel Martelly, le marché de fleurs fait partie de la cadence de vie des Pétion-villois. La première version du marché était une courtoisie du Rotary Club de Pétion-ville dans les années 80 aux marchands qui vendaient sur les trottoirs. Aujourd’hui, il poursuit son achalandage et offre des variétés de fleurs depuis plusieurs décennies. Des tulipes, des variétés de roses, des oiseaux du paradis, des orchidées, des pompons, des marguerites, des jasmins et tant d’autres variétés offertes à ceux qui veulent rehausser leur chez soi, un bureau, offrir un bouquet comme cadeau. Les fleuristes viennent eux aussi s’y approvisionner. De nos jours, certaines variétés viennent d’ailleurs (Miami, Saint-Domingue) car les rares endroits qui en fournissaient souffrent de la non exploitation des fleurs, alors l’importation s’impose pour continuer à satisfaire l’engouement des amants de la nature. Le prix est à discuter selon la variété, la beauté, le volume du bouquet. Certains marchands sont là depuis plus de 10 ans.

 

Marché de Puits Blain

Une initiative du Maire de Delmas Wilson Jeudy dans sa politique d’urbanisation et sa volonté d’offrir plus de services à la commune. Les travaux ont duré une année, d’Avril 2014 à Avril 2015, la date de l’inauguration. Le marché est divisé en 4 grands compartiments. L’entrée sert d’étalage aux produits cosmétiques, vient ensuite les produits alimentaires, un abattoir-boucherie et la partie arrière pour les fruits et les légumes. Un étage supérieur abrite un dépôt et le bureau de l’administrateur des lieux. Les marchandes d’humeur taquine cèdent leurs produits tout en profitant du bâtiment flambant neuf aux murs très colorés.

 

Marché Tête Bœuf

Inauguré le 17 avril 1984 sous le gouvernement de Jean Claude Duvalier, le marché sis au boulevard Jean Jacques Dessalines,  à côté du Commissariat Portail St-Joseph, desservait tranquillement ses occupants et le reste de la population. Deux incendies l’ont complètement ravagé. Le 16 et le 31 Mai 2005, deux incendies en l’espace de quelques jours. Le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 acheva les ruines et aujourd’hui le marché ne fait pas l’objet d’un projet de reconstruction, malgré les nombreuses démarches de ses occupants auprès du gouvernement. Exclusivement, ses étalages offraient vêtements et produits cosmétiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Georges Markenley. Mon corps. Temple de liberté

Cérémonie du Bois Caiman
La danse est la plus pure des libertés. Danser c’est repousser ses limites, faire corps avec soi. La danse, comme un fil rouge, a traversé les pages de l’histoire d’Haïti. Les esclaves ont dansé à des moments cruciaux du cheminement de l’histoire. Elle ne saurait être une activité inoffensive. Les esclaves dansaient le soir, après une longue journée de travail, pour posséder leurs corps et unifier leurs esprits. Ils dansaient autour de grands feux, pour invoquer l’au-delà, rappeler aux dieux leurs promesses. Pendant la cérémonie du Bois Caïman, ils ont dansé pour l’espoir et la liberté de toute une nation.

Aujourd’hui encore, la danse est présente, elle se perpétue dans les Lakous, au carnaval, pendant le carême jusqu’à la fête de Pâques , dans les salons et sur scène dans de beaux décors avec des corps qui veulent exprimer les échos de la parole, de l’indicible et du silence. Nous sommes un peuple qui danse.

J’ai vu George Markenley danser pour la première fois sur les planches du Centre et Compagnie de Danse Jean René Delsoin. Sans même le savoir et à lui seul, il assujettit le regard du public. Pour Georges Markenley, Danser c’est trouver l’équilibre. Il a commencé à danser à l’âge de dix ans, sa carrière professionnelle décollera un peu plus tard. Pour certains, la danse peut représenter juste un sport qu’on pratique dans une salle de gym, mais pour Markenley, c’est un langage, un medium pour communiquer. Peindre ses frustrations, exprimer autrement le quotidien. Danser c’est vivre.
Georges Markenley ne se rappelle plus ce qui l’avait attiré vers la danse, aussi loin que peuvent remonter ses souvenirs, il dansait déjà avec grande passion. Né pour danser, ainsi il se définit. Sur scène, il s’oublie totalement pour faire corps avec la musique. Georges Markenley avoue

‘’Je ne saurais décrire ce que je ressens quand je suis sur scène, j’ai l’impression de n’être plus de ce monde. Je suis dans un lieu d’une rare félicité.’’

Markenley évolue actuellement au Centre et Académie de Danse Jean René Delsoin et la Compagnie de Danse Ayikodans, deux écoles très connues et respectées du milieu. En 2016 et en 2017, Markenley a partagé sa passion sur les scènes du théâtre Adrienne Arsht Center à Miami et au conservatoire de l’Encre à Cayenne, dans les Antilles. On pourra apprécier ses performances au 6e saison des Jeudis de la danse qui débute très prochainement.

Courtoisie vidéo: Ayikodans

Pourquoi quelqu’un devrait pratiquer la danse ?

Il précise qu’elle est non seulement bénéfique pour la santé, c’est aussi un moyen de comprendre et d’interpréter le silence, de parler sans mot dire. Interpréter le monde qui nous environne, la danse est le meilleur moyen pour y parvenir.  C’est aussi une manière de sonder les tréfonds de soi, Avoue-t-il.

 

 

 

 

 

 

 


L’automédication en Haïti, un danger qui persiste

La vente de médicaments n’est pas réglementée en Haïti. N’importe qui peut s’acheter n’importe quel médicament dans les rues ou dans une pharmacie sans la prescription d’un médecin. Démarche qui s’avère être un danger pour la population. Les vendeurs de médicaments sont partout dans les rues. Le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) n’adopte aucune mesure conséquente face aux problèmes. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur chaque jour.

Rares sont les autobus circulant à Port-au-Prince dans lesquels ne siège pas un  « agent marketing ». Appellation que se sont octroyés les vendeurs de médicaments. Ces agents vantent auprès des passagers, les mérites d’un lot de produits pharmaceutiques pour lesquels normalement une prescription est exigible. Analgésiques, antibiotiques, aphrodisiaques, multivitamines, lotions en tout genre, médicaments pour enfants et adultes, leurs produits se vendent comme des petits pains.

Ils ne démarchent pas que dans les bus, ils sillonnent les ruelles des marchés avec leur pharmacie improvisée sous les bras. D’autres sont assis à des endroits stratégiques, devant les hôpitaux ou aux environs des cliniques, points de vente très prisés.

Les « médecins feuilles » sont aussi de la partie, ils prennent d’assaut la médecine naturelle, étant aidés d’un haut-parleur installé sur le toit de leur voiture. Ils chantent les effets magiques et guérisseurs de leurs potions, mixtures douteuses de toutes les feuilles dont dispose la flore haïtienne. Confortée dans l’ignorance, la population s’en donne à cœur joie, dès l’apparition du moindre malaise.

L’automédication, un risque à l’échelle mondiale

Cette tendance à prendre des médicaments sans un avis médical (hors prescription) est un phénomène mondial, explique Dr. Jean Romuald Ernest, médecin avec une spécialisation en santé publique et en gestion des services de santé. Ce n’est pas un problème particulier à Haïti, poursuit-il. Partout dans le monde on s’administre une aspirine pour un mal de tête. Dans le cas d’Haïti, le problème prend des allures un peu particulières car plusieurs facteurs sont en cause.

Le niveau économique de la population : il est plus facile de s’acheter des médicaments dans les rues plutôt que de se rendre dans un centre de santé, se faire ausculter et exécuter une prescription. Le facteur culturel doit être aussi pris en compte : l’haïtien n’aime pas aller chez le médecin, il s’y présentera quand son état commencera vraiment à s’aggraver. Il y a aussi le partage d’informations : untel avait pris tel médicament pour des maux de ventre et ça avait fonctionné, donc on se l’administre aussi, même si les causes des maux de ventre peuvent différer. L’automédication devient un réflexe chez l’haïtien. La barrière géographique est aussi importante à signaler. Si l’on regarde la carte sanitaire du pays, on se rendra vite compte que les centres de santé se trouvent dans les grandes agglomérations. A certains endroits, la population doit marcher 5 à 6 heures de temps pour trouver un hôpital, ce qui normalement est un facteur de découragement. Il faut rendre accessible les soins de santé pour diminuer le penchant vers l’automédication.

Les dangers que représente l’automédication

Crédit: Loop Haiti

Les dangers sont multiples précise Dr. Kenny Moise, médecin et chercheur. Le patient n’est pas vraiment informé sur la maladie dont il souffre, sur la composition des médicaments et les possibles effets secondaires. Il y a le risque qu’il ne soit jamais traité, avance le Dr Ernest, la maladie peut passer du stade aigu au stade chronique. Donc le véritable traitement demandera plus de temps et sera sûrement plus coûteux. Il y a aussi la possibilité que le germe développe une résistance aux effets des médicaments. Après s’être administré généreusement des doses sans tenir compte de la posologie, le médicament peut ne pas avoir l’effet souhaité ou masquer quelque chose de plus grave. Un autre traitement demandera des médicaments plus forts, ce qui aurait pu être évité. Les médicaments de deuxième ligne coûtent vraiment plus cher dans le cadre des traitement de certaines pathologies. Les complications et conséquences qui découlent de ces comportements sont graves. Les médecins rapportent des pertes de membres ou la mort par intoxication.

 Freiner l’automédication par l’éducation

Pour changer des comportements aussi ancrés dans une communauté, l’éducation est le moyen qu’il faut privilégier, explique le Dr. Ernest. Selon lui, la population n’agit pas de mauvaise foi mais plutôt par manque d’éducation. Il va falloir agir en tenant compte de ses habitudes, aujourd’hui endurcies. Utiliser les canaux de communication de la communauté pour avoir les résultats escomptés est plus que nécessaire.

La médecine naturelle ne présente-elle aucun danger ?

Nul besoin d’une enquête scientifique et pointue pour savoir que la médecine naturelle est le premier recours des familles en Haïti. Elle supplante la médecine moderne ou conventionnelle parce qu’elle est moins coûteuse et donc plus accessible. La médecine moderne ne satisfait pas jusqu’à nos jours tous les besoins en santé de la population, d’oú l’importance de la médecine traditionnelle. Mais, est-elle hors-danger telle qu’elle est pratiquée en Haïti ? Au quotidien, on voit ces vendeurs qui, de leurs voitures, proposent des mixtures et autres potions dites naturelles pour toutes les maladies imaginables. Qui examinent ces produits avant commercialisation ? Incertitudes…

A l’heure actuelle, il n’y a aucun contrôle, ni sur la qualité des médicaments, ni sur leur type, ni sur les vendeurs et la provenance de leurs produits. Les autorités concernées, la Direction de la Pharmacie du MSPP, doivent travailler à imposer des régulations strictes dans le système. La législation sur la réglementation des produits pharmaceutiques est surannée. Il y va de la sécurité de la population, précise Dr Jean Romuald Ernest.

Soucaneau Gabriel

Image: Loop Haiti


A Port-au-Prince, une exposition à ciel ouvert

Je passe devant cette exposition à ciel ouvert matin et soir à Port-au-Prince, en Haïti. Souvent, je me laisse imprégner par cette pluralité de couleur et ces formes qui cherchent à exprimer la beauté dans l’inexprimable. Un mur entier couvert de tableaux. Un mur d’expression. Je regarde ces visages, figés pour la plupart. Ces paysages colorés. J’imagine les mouvements des caractères, les couleurs qui s’entrechoquent pour s’harmoniser, l’histoire qui se faufile entre les matières. Le peintre qui mets les dernières touches et signe son œuvre quand il décide de la seconde dont l’histoire s’arrête.

L’histoire ne s’arrêtera jamais, me murmure une petite voix. Le peintre met un point. Fatigué de ses nuits blanches, de ses multiples tasses de café. Le spectateur s’émerveille devant l’ingéniosité, devant le besoin de s’évader.

La peinture de rue au cœur de Pétion-Ville

Ces peintres ou créateurs d’illusions comme je les appelle secrètement, campent à la rue Pinchinnat tous les jours. Rue très passante et très fréquentée pour ses hôtels, restaurants et boutiques, elle est le lieu de rencontre de certains touristes voulant apporter un peu d’Haiti dans leur pays.

Les peintres-vendeurs exposent leurs œuvres face à la rue, à un pas du trottoir, indifférent du jugement des passants, indifférent des klaxons de voiture qui ajoutent du bruit, réinventent et mésinterprètent les échos de leur rêve. D’autres rêveurs comme eux s’arrêtent dans leur marche, gare leur voiture, achètent une toile. L’histoire continuera. L’aventure se veut éternelle. On retrouvera ce genre d’exposition à plusieurs endroits de la capitale haïtienne, notamment à Delmas et sur la route de Bourdon.

Cristalliser l’irréel

Ce spectacle haut en couleur s’offre tous les jours aux regards des passants circulant dans cette ruelle. Tous les matins, les peintres-vendeurs s’installent sur le trottoir et prennent en otage ce long mur servant de clôture à une école primaire. A côté de l’exposition qui capte l’attention, des œuvres prennent naissance au beau milieu du remue-ménage. La rumeur de la rue n’est pas un obstacle à la création. Dans ma volonté d’en savoir un peu plus, je croisai la route d’un passionné qui a accepté de m’ouvrir les portes de son univers.

Jacques Junior, son expérience avec la peinture

Le peintre Jacques Junior en plein travail

« La peinture m’est venue un peu par hasard », m’explique Jacques Junior. « J’ai commencé à peindre en 2003, Je n’avais aucune influence dans mon entourage. Elle est venue par hasard parce que j’avais essayé bien de métier avant de trouver ma grande passion. J’ai essayé la maçonnerie, la ferronnerie, la charpenterie et tant d’autres activités mais je ne me suis pas retrouvé. Il n’y a pas eu cette étincelle dont je cherchais désespérément ». 

« Au fil du temps, je me suis converti en vendeur de tableau. Je vendais les œuvres des autres. Subjugué par les couleurs, sans pouvoir vraiment l’expliquer, je me suis mis spontanément à tracer au crayon. Puis au fur et à mesure, l’amour de la peinture s’est installé jusqu’à devenir mon métier et mon gagne-pain aujourd’hui. J’ai enfin trouvé cette étincelle que je cherchais. On fais un métier pour subvenir à ses besoins, mais on le fais aussi par passion.  En tant que peintre, je fais des portraits, des paysages, des marines, de l’abstrait, que ce soit une commande ou un tableau que je fais par pure plaisir, je me donne à cent pour cent. Haiti a beaucoup à offrir au monde et  j’éprouve de la fierté quand un touriste part avec une toile, je sens qu’une parcelle joyeuse du pays s’en va vers d’autres terres, raconter notre histoires avec des mots plus colorés, plus vivants ».

Jacques Junior cumule 14 ans dans le métier et il le fait avec la même ardeur, la même passion du début. Chaque jour, de nouveaux visages, de nouvelles couleurs, des pans d’histoires naissent, dans un murmure que le commun des mortels ne sauraient saisir. La peinture comme arme pour braver l’éternité.


Vivre au rythme de Léogane, la cité de la Reine Anacaona

Loin de moi l’intention de présenter une image faussée de mon pays. Humainement nous avons toujours tendance à gommer nos fautes, maquiller nos imperfections pour nous présenter devant les autres. Nous (Haïti) avons beaucoup de problèmes et nous en sommes conscients. Ou du moins j’en suis conscient, mais depuis quelques jours j’ai décidé de regarder le pays avec des yeux plus optimistes. L’intention est surtout de partager avec vous le rythme de vie des provinces du pays. Certains d’entre vous préfèrent prendre l’avion pour aller visiter ailleurs, libre à vous. Mais laissez-moi le loisir d’errer dans les rues de mon pays et d’y découvrir les trésors enfouis.

L’aventure continue, le week-end dernier Petit-Goave avait supporté mon regard fouineur et curieux dans ses rues. Cette semaine, sur l’invitation d’un ami, je dépose mes valises dans la ville de Léogane, reconnue pour son Rara, sa production de canne-à-sucre et son clairin, breuvage très prisé et très utilisé dans la fabrication de certaines liqueurs.

 Léogane, ses lieux, ses personnages et ses événements

Pour la causette entre amis, la Place Anacaona.

La place Anacaona domine le centre-ville et profite aux Léoganais pour une petite pause durant la journée. Elle est munie d’un espace de jeux pour les enfants, d’un terrain de basketball et d’un espace de spectacle. Reine Anacaona domine l’entrée de la place, fière et majestueuse.

Pour la culture et la connaissance, la bibliothèque Marie Claire Heureuse.

Bibliothèque Marie Claire Heureuse

Haut lieu de rencontre et d’échanges culturels, la bibliothèque Marie Claire Heureuse est un pied-à-terre pour les Léoganais. L’espace offre une bibliothèque aux rayons achalandés, une salle informatique, une grande salle de lecture et une scène extérieure pour concerts et autres activités en plein air.  Entre conférences, concerts, ventes signatures et soirées lectures, la bibliothèque est l’adresse des amants du livre et de belles rencontres.

Pour la danse, le Rara.

A Léogane, le Rara est un patrimoine culturel préservé et enrichi par les habitants de la zone. Une activité qui résiste au temps et à l’acculturation. Le Rara réunit toutes les couches de la population, indépendamment du sexe, de l’âge, de la religion et des positions sociales. Danser le Rara s’apparente presque à une religion pour le Léoganais. Pendant le carême, de mars à avril, c’est un événement culturel qui met les projecteurs sur la ville, y draine des touristes et une diaspora qui n’attend que ce rendez-vous annuel. Le dimanche de Pâques, toute la population se réunit au centre-ville pour le mythique défilé annuel des bandes de Rara.

A Léogane, les groupes Rara sortent la nuit. Des éclaireurs portent des lampes pour éclairer le parcours des musiciens et des danseurs, tard le soir ou très tôt le matin. Il n’y a pas d’heure pour danser. Le son du Rara est une harmonisation des instruments comme le tambour, le trombone, le piston*, le vaksin*, le bambou, le graj* et le cornet*. La fleur, Modèle et Ti Malice, sont les trois ténors en matière de Rara à Léogane. 

*Certains instruments sont fabriqués de façon artisanale

Pour l’économie, la production du clairin

Broyeur

La production de Clairin représente l’un des piliers de l’économie léoganaise. J’ai eu le privilège de visiter une guildiverie, là où la magie de la production s’opère. Après la coupure et le nettoyage, la canne-à-sucre est rangée par lot pour le broyage. Le ‘’vin’’, ainsi qu’on appelle le jus sorti du broyage, est reposé dans des tonneaux en métal pendant 3 ou 4 jours. Lors de ce processus, le vin de la canne est fermenté, le sucre se transforme en alcool et d’autres ingrédients y sont ajoutés. Après la fermentation, le produit est chauffé sous haute température dans une bouilloire et est ensuite disponible pour consommation.

Bouilloire

Vie Nocturne

A Léogane, l’heure n’est qu’une durée, la ville ne dort pas. D’ailleurs la nuit est plus rythmée que le jour. Les bars traditionnels (Massage, Kadans, Obsession, pour ne citer que ceux-là) ouvrent leurs portes, d’autres sont improvisés sur les trottoirs, du moment qu’il y a un peu de musique et de la bière. Des soirées de danses latines sont programmées pour ceux qui veulent boire la nuit jusqu’à la lie. Les marchandes de friture, de rafraîchissements et de breuvages traditionnels à base d’alcool désaltèrent ces messieurs et dames.

Ses personnages

Reine Anacaona (Image: mensuellemonde.com)

 

A chaque ville ses personnages historiques, culturels ou politiques. La population s’en inspire et s’en vante avec orgueil. La reine Anacaona, du sobriquet fleur d’or, vu son étonnante beauté, est l’une des figures historiques de la ville. Elle aura marqué l’histoire du pays avec sa fougue et ses nombreux talents.

 

 

Carole Demesmin (Photo: Potomitan)

 

 

Carol Demesmin, chanteuse et porte étendard de la culturelle haïtienne sur les planches internationales, dont la lutte est la sauvegarde de la culture traditionnelle haïtienne.

 

 

 

Carlo Marcelin (photo: www.totalmixradio.com)

 

Carlo Marcelin, ancien joueur de football (médian défensif de l’équipe Cavali de Léogane) et ex-entraîneur de la sélection nationale, actuellement  secrétaire-général de la Fédération haïtienne de Football FHF.

 

 

Pascal Milien (photo: www.armadafc.com)

 

 

 

Pascal Milien, joueur international haïtien qui joue en 2e division aux États-Unis. Son ultime but face à Trinidad avait permis au pays de se qualifier au Copa America Centenario en 2016.

 

 

Faits historiques

Le 2 avril 1800, Jean Jacques Dessalines épousa Marie Claire Heureuse à l’église paroissiale Sainte-Rose-de-Lima.

 

 La ville est ouverte aux visiteurs, faites-vous plaisir.

 

 

 


Expérimenter Petit-Goâve autrement

Pendant que les autres mettaient le cap sur la 3e ville du pays, les Cayes, pour le carnaval national de cette année. J’ai décidé aussi de faire mon sac à dos. Cinq jours de non-activité, une aubaine pour les flemmards, j’essaie donc de me convaincre que je n’en suis pas un.

C’est toujours mieux d’expérimenter de par soi-même, de faire fi des rumeurs. Destination Petit-Goâve, reconnue pour son fameux Dous Makòs, j’ai voulu découvrir ce que la localité pouvait offrir à part son succulent fondant multicolore. C’est une promesse que je me suis faite depuis mon retour de Madagascar, visiter le pays profond, surmonter cette peur de l’inconnu et surtout cette crainte des longs voyages. Si j’ai pu tenir 11 hrs d’affilée dans un avion, pourquoi pas 2 heures dans un bus.

En route vers Petit-Goâve, laissant l’effervescence de Port-au-Prince et son embouteillage monstre. Je me suis laissé aller à contempler les plantations au large des routes. De Carrefour, Gréssier, Mariani, le bus refuse l’entrée de Léogane et le carrefour Dufort qui mène vers Jacmel. Les quelques kilomètres restants ouvrent les portes sur Grand-Goâve, les marchands ambulants offrent rafraichissements et friandises. Du Morne Tapion étant, route qu’il faut emprunter avec beaucoup de prudence, Petit-Goave s’étale au loin, touffue sous une couche de végétation, vivant au rythme des vagues nonchalantes de la mer.  Les raisons pour lesquelles Petit-Goâve doit être votre prochaine destination touristique.

Le Dous Makòs

Zoom sur Haiti

Petit-Goâve est reconnu pour son Dous Makòs, ce fondant multicolore qui flatte le palais. On aura même l’audace de demander la recette, mais vous ne l’aurez pas. Il faudra revenir pour vous en procurer et soutenir l’économie locale.

Balanier

Mustapha Falestin

L’une des nombreuses plages de la localité, pour y accéder il faut oser être aventurier si on emprunte la voie terrestre. Chausser ses bottes de campagne et suer un peu en escaladant les montagnes non-accessibles aux voitures. On peut y accéder aussi par voie maritime en louant les services d’un chalutier pour le parcours. On y découvre une mer turquoise qui offre tout le farniente qu’on peut souhaiter. La blancheur du sable fin et les chatoiements de l’eau ont cette magie de revigorer le visiteur.

Crédit Photo: Mustapha Falestin

Le poisson

Kedny Cuisine

Coupable, oui je le suis. Amateur de poisson quelle que soit la recette. Grillé, frit ou en sauce, je ne dirai pas non. C’est un plat abordable dans toutes les villes côtières du pays. Si vous passez sur la plage de Bon Repos, demandez pour France la cuisinière, vous en sortirez satisfait.

Vie nocturne

Petit-Goâve ne ferme pas ses portes à l’inconnu. Les nuits Petit-Goâviennes sont partagées entre la musique entrainante des bars et les conversations des familles sur leur véranda. J’ai marché sur les dalles de la ville, conversé avec des Petit-Goâviens, lu la gazette de la ville qui est une publication de la mairie.

L’amitié, tout une aventure

A chaque ville ses trésors, ses piliers, ses rêveurs qui essaient de tenir le flambeau allumé. J’ai eu le privilège de rencontrer trois d’entre eux, en la personne de Jeff Oresna, Obed Lamy, Mustapha Falestin. Ils sont plus que motivés à faire un impact positif dans la vie de leur génération. A travers leur organisation Educ-Ha group ils organisent un concours de débat interscolaire intitulé  »des mots pour convaincre » dont la deuxième édition s’ouvre au cours de ce mois de mars. « Sinema anba Zetwal », projections de films en plein air dans les quartiers défavorisés. Ils ont distribué des kits scolaires aux écoliers démunis à la rentrée scolaire 2016-2017. A l’instar de tant d’autres Petit-Goâviens, à travers leurs activités, ils envoient l’image d’une génération motivée, passionnée, qui malgré les pressions que subit la jeunesse haïtienne, décide de faire la différence. A eux trois, ils m’ont permis de découvrir ce que la ville a comme potentialité et d’expérimenter Petit-Goâve autrement que ce qu’on raconte.

 

 


Au-delà de nos errances

L’ailleurs s’impose à nous parfois comme la solution, comme l’évidence. Je ne me souviens plus ou j’ai lu que la migration était l’avenir de l’humanité. Découvrir ce qui se cache derrière l’horizon a toujours été une fascination. Depuis l’aube des générations, l’humain se déplace d’un coin à un autre du globe. Mais partir n’est jamais facile, surtout quand nous laissons les murs de notre enfance, les souvenirs de ces rues qui nous ont vus grandir. Migrations ? Fuites ? Quel que soit le nom qu’on s’exerce à lui donner, nous sommes des âmes libres, cherchant désespérément notre gite. J’ai vu la soif de partir dans les yeux de beaucoup de jeunes que je fréquente, j’ai assisté au départ, à la fuite de beaucoup d’autres. J’ai vu aussi les yeux vidés de certains qui ont soif de revenir. Certains partent pour échapper à un quotidien déplaisant D’autres le font pour se préparer un meilleur lendemain. Il y en a ceux aussi qui partent pour la liberté, la liberté d’être, d’exister dans toutes les facettes de leur humanité.

Certains partent aujourd’hui avec la promesse de revenir un jour. Les raisons de départ divergent pour chacun, un meilleur travail, des études supérieures, la famille, le tourisme, etc. Une quête éternelle de l’autre part de soi.

Quelles que soient nos motivations, un jour, les entrailles de la matrice réclament notre sueur. Au-delà des attentes, des rêves, des espoirs, des raisons de départ. J’ai choisi de croiser le regard de ceux qui un jour ont décidé de faire leurs malles, de fermer la porte à double tour.

Patrick André (Floride)

Pour Patrick, Haïti est un deuxième cœur qui bat hors de lui. Il ne m’a jamais été donné de voir un haïtien vivant hors du pays aussi entiché, impliqué dans ce qui se passe dans son pays. Patrick feuillette les pages du Nouvelliste, d’Ayibopost, Tout Haïti, Le National, Haïti en Marche, Haïti Press Network, Alter Presse, The Haitian Times, Le Floridien, Haïti Observateur, Haïti Progrès, et les moindres magazines ou publications en ligne susceptibles de lui donner le pouls du pays. Patrick vit Haïti au quotidien. 29 ans en terre étrangère n’ont pas ébranlé son attachement à la terre natale. Impliqué, oui il l’est. Par le passé, ses réflexions ont fait l’objet de moult publications dans les colonnes de ‘’Haïti en Marche’’, aujourd’hui il publie avec la plate-forme en ligne Ayibopost. Des analyses profondes et réfléchies sur la condition du pays, ‘’Haïti n’a jamais été la perle des Antilles pour les haïtiens’’, ‘’freiner la spirale de l’insécurité nationale une proposition citoyenne’’, sont parmi les nombreux articles sortis sous sa plume.

Le fait de ne pas pouvoir prendre part activement  à la vie sociale lui manque beaucoup, il aurait aimé être partie prenante de ce qui se fait dans le pays.  S’agissant de ses espoirs, Patrick abonde en ce sens :’’ Mes espoirs pour le pays sont que nous puissions arriver à un réveil collectif citoyen, un réveil des consciences pour comprendre que nous pouvons sortir de la misère, du chaos administratif, de la corruption et construire petit à petit un pays décent. C’est ce que je veux refléter dans mes écrits, mes opinions, mes idées ; débattre des meilleures solutions, de la meilleure idéologie, de la meilleure politique à suivre. Je m’attends à ce qu’un mouvement social ou un parti politique dirigé par des gens honnêtes, patriotes, progressistes, courageux mettent sur pied un programme de gouvernement démocratique, nationaliste et progressiste. Il n’y a pas d’autres issues qu’une réforme radicale de la politique ou une révolution ! Mais puisque la révolution accouche le plus souvent dans le sang et le chaos, j’opte de préférence pour une réforme politique en profondeur’’.

 

 Charles Keyns

On s’est parlé dans l’après-midi, le lendemain il prendrait l’avion pour rejoindre sa mère définitivement aux Etats-Unis, où une autre vie, un autre quotidien l’attendrait. Qu’est-ce que j’espérais entendre de la bouche d’un adolescent qui quittait Haïti pour aller retrouver sa mère, lui qui de ses 14 ans a été témoin de tant de choses, tant de rêves brisés, tant de jeunes de son âge sombrés dans la violence et dans la drogue. Mais ses mots étaient empreints d’innocence et d’une rare maturité. Il m’a avoué que la chaleur du pays va lui manquer, ses fous rires avec ses amis, sa famille. Il partait  aujourd’hui pour pouvoir longer le bras et aider à atteindre leurs rêves, ceux qui restaient.  ‘’Il y a tellement à faire et je n’aurai pas besoin d’occuper un certain poste pour aider le pays. Je reviendrai un jour pour aider (sa voix se cassa )’’

 

Catherine Hubert (Haïti)

Laisser sa France natale pour habiter Haïti? Ça ne va pas ? Je n’avais pas compris pourquoi quelqu’un aurait l’envie, le courage, la volonté, l’audace, le rêve de venir habiter en Haïti. Moi j’ai ce pays coulant dans mes veines. Je connais les recoins, j’ai entendu les histoires les plus farfelues, vécu les expériences les plus insolites, donc ce pays m’habite. Mais de là à quitter son confort européen pour immigrer dans l’Haïti de l’après dictature où les déchoukay et les Tontons Macoutes étaient encore sur toutes les lèvres, je ne l’avais pas imaginé. Catherine Hubert rentre en Haïti en 1987, frappée par une culture toute nouvelle. Une fois les doutes dissipés sur ce « peuple de barbares », -c’est ce qu’on lui avait raconté à notre sujet-, elle a décidé de découvrir Haïti à sa manière sans se dissimuler derrière les lunettes d’une immigrante.

Catherine Hubert est une fille du terroir, il y a longtemps qu’elle n’est plus une étrangère errant dans un pays qui n’est pas le sien. Son âme a trouvé son gite. Elle vit les avancées autant que les tumultes comme n’importe quel citoyen conscient de l’impact de la société sur sa vie. Me comptant son attachement à cette terre, elle m’a avoué,  »La France m’a vue naître, Haiti me verra mourir ».

 

Antoine Bien-Aimé (Canada)

Il vit hors du pays depuis 14 ans et s’est merveilleusement adapté à la communauté d’hôte. La situation de crise constante du pays l’interpelle au plus profond de lui-même, mais que faire à des centaines de lieues d’où l’action se passe ? Il garde espoir que le pays retrouvera sa voie dans la fraternité et le vivre-ensemble. Retourner y vivre, cette idée effleure son esprit, il espère tout simplement que le pays pourra offrir un jour un climat propice à ses fils de l’extérieur voulant rentrer au bercail.

 

Evans Barreau (Brooklyn, New York)

Evans a émigré aux États-Unis très jeune, présentement il cumule aux Etats-Unis 30 ans, plus qu’il n’ait vécu dans son propre pays. Il avoue que la nostalgie du pays lui mord ses entrailles certaines fois, dans ces moments il saute dans un avion et rentre au bercail. Il revient sur ses pas, là où tout avait commencé, dans la maison de sa mère où il a grandi.

 

Michel Brutus (Brooklyn, New-York)

Trois ans depuis qu’il vit en dehors du pays, Brutus avoue que son esprit et son cœur sont à Port-au-Prince, entre les siens. A travers les réseaux sociaux et la presse internationale, il se tient informé des évènements qui ponctuent l’actualité du pays. ‘’Il faut laisser le pays pour se rendre compte à quel point on y tient. Je suis traumatisé par la situation du pays et j’ai perdu des amis’’, m’avouât-il. Pour lui l’adaptation n’a pas été des plus faciles mais l’haïtien est coriace et n’oublie jamais les raisons qui le poussent à partir. Il espère revenir vivre au pays, mais les évènements de ces derniers jours le laisse dubitatif quant à l’avenir. ‘’Nous avons laissé passer beaucoup d’opportunités pour changer de cap.  En tant que chrétien, je crois fermement dans les desseins de Dieu et je pense que lui seul a le dernier mot’’.

 

Clario Lesperance (Paris, France)

Clario vit en France depuis 16 ans. Très connecté avec les siens en Haïti avec lesquels il fait souvent des échanges sur la situation du pays. Comme tout fils d’Haïti, il vit très mal les drames auxquels le pays fait face. Il souhaiterait que le gouvernement mette en place les structures nécessaires pour favoriser un climat propice au tourisme. Un secteur prometteur dont profitent beaucoup de pays. Retourner vivre en Haïti n’est pas encore évident pour lui, Il souhaite que les haïtiens changent leur vision des choses et mettent en avant la collectivité.  Aujourd’hui, j’ose dire que c’est risqué pour un fils du pays de venir même en vacances. Une réalité qui me désole et j’espère grandement que ça va changer. 

Où qu’il soit sur la planète, aujourd’hui ou dans cent ans, l’Haïtien entendra les appels de la matrice. Haïti terre de feu et de souffre, terre de guerre et de promesses. Le cordon qui lie l’Haitien au terroir n’est jamais coupé.