Soucaneau Gabriel

Poursuivre des études supérieures en Haïti en étant non-voyant, un défi au quotidien

Crédit photo: Soucaneau Gabriel
Crédit photo: Soucaneau Gabriel

Lorsque je les ai vus pour la première fois dans la salle de cours, arborant leurs lunettes noires, je me suis répété à voix basse, « ils se croient où ces deux-là ? Sur une plage ? A Hollywood ? ». J’apprendrai un peu plus tard dans la semaine que Rachelle Alexis et Frantz Dorvilus étaient des étudiants non-voyants. C’était ma première semaine à l’université, je regardais le monde avec prétention et portais un jugement hâtif sur tout. J’étais, en quelque sorte, formaté pour réduire le monde à mon champ de vision et à ce que la société dans laquelle j’évoluais jugeait normal, acceptable.

Des étudiants comme les autres

Dans les couloirs de l’université de Port-au-Prince, Rachelle Alexis et Dorvilus Frantz ne sont pas considérés comme des infirmes, ils sont des étudiants comme les autres. Ils ne demandent aucun traitement de faveur et ils n’en font pas l’objet non plus. Ils fournissent le maximum d’efforts que sont censés fournir des étudiants. Ils sont ponctuels aux cours, présentent leurs exposés, remettent leurs devoirs, passent les examens comme tous les autres, sans jamais user de leur incapacité comme une excuse.

Dans un pays où les structures pour les personnes à mobilité réduite sont quasi inexistantes, étudier à l’université pour un non-voyant, relève d’un exploit. Il n’y a aucune mise en place dans nos universités pour les personnes souffrant d’un handicap. Ce qui nous fait sauter à la conclusion qu’un handicapé devrait rester chez lui, dépendre de quelqu’un d’autre au lieu de travailler à son autonomie. La secrétairerie d’état à l’intégration des personnes handicapés fait un travail monstre, les handicapés sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui à être reconnus pour leurs compétences. 

Nager à contre-courant

Rachelle Alexis  n’est pas née aveugle. Elle a perdu complètement la vue à l’âge de 7 ans, à la suite d’un glaucome. Elle se rappelle que sa vision baissait au fur et à mesure et un matin ce fut le noir total. Ce fut un choc pour elle et pour sa famille. « Handicapée » est un mot qui ne fait pas partie du vocabulaire de Rachelle, elle est consciente de son incapacité visuelle mais ce qui la met le plus en rogne, c’est le comportement des autres à son égard. La société dans laquelle elle évolue l’a mise dans une boite et lui a collé une étiquette, lui rappelant constamment ses limites. Ses amis à l’étranger lui témoignent qu’avec toutes les structures qui sont mises en place, ils s’épanouissent normalement et oublient leur handicap.

Poursuivre des études supérieures est pour elle est un défi à relever. Elle s’était fait la promesse de toujours aller jusqu’au bout de ce qu’elle avait commencé, c’est ce qui la motive à continuer. « Les études supérieures pour un non-voyant ne sont pas faciles » explique-t-elle,  « non seulement il y a le refus des institutions mais il y a aussi le manque de structures adaptées aux cas ». Elle était la première non-voyante à fréquenter les couloirs de L’Université de Port-au-Prince. Aventure qui s’est révélée être un vrai challenge pour elle, mais sa volonté a tout surpassé, il lui a fallu beaucoup de courage et de la compréhension de la part des professeurs. Rachelle Alexis espère mettre ses compétences au service de sa communauté ou pour plus d’autonomie elle pense lancer sa propre entreprise.

Utilisant seule les transports en commun pour rejoindre l’université, elle souhaite qu’une sensibilisation se fasse au niveau des chauffeurs qui ne veulent pas s’arrêter pour prendre les personnes en situation difficile. Et c’est encore pire pour les personnes en fauteuil roulant. Circuler n’est pas facile. Cette année marque la clôture de 4 années d’études en communication sociale.

Dorvilus Frantz

Hasard ou coïncidence, Frantz avait 7 ans lui aussi lorsqu’il devient aveugle. C’est arrivé pendant les vacances d’été, suite à une forte fièvre. Les médecins lui ont dit que ce cas leur était étranger, donc ils n’ont pas pu l’aider. Quel comportement avoir quand on perd la vision, à 7 ans ? Frantz avoue qu’il ne sait pas où il a puisé tant de courage mais il ne s’est pas affolé. Sa mère par contre était inconsolable. Qui allait aider son fils après sa mort ? Frantz s’inquiétait plutôt pour ses études, allait-il pouvoir poursuivre ? L’établissement spécialisé Saint-Vincent lui ouvrit ses portes et redonna des ailes à ses rêves.

Frantz Dorvilus ne crois pas qu’il est handicapé. Bien que la société tende souvent à le lui rappeler, il ne se considère pas comme tel. Pour lui, un handicapé est quelqu’un qui dépend complètement des autres, tandis que lui, avec les années, il a acquis une autonomie. Il peut vaquer tout seul à ses activités. Il pense que l’entourage joue un rôle davantage important dans la déficience d’un individu que la perception du déficient de lui-même. Dans certaines familles les enfants portant un handicap sont mis de côté car les parents estiment qu’ils sont des invalides, qu’investir dans leur formation est une perte d’argent, car à leurs yeux ils ne pourront jamais se suffire à eux-mêmes.

Frantz Dorvilus mise beaucoup sur la formation. Pour lui, c’est un pas vers la connaissance de soi et du monde. C’est aussi un moyen d’acquérir des capacités pour être utile à la société à l’avenir. Il ne compte pas s’arrêter là après sa licence. Tant qu’il y aura des sommets à escalader, des limites à franchir, il ne se reposera pas. Selon lui, le gouvernement doit offrir un minimum d’assistance aux personnes déficientes, repenser la structure des bâtiments publics et privés en incluant des rampes d’accès et des ascenseurs pour les personnes circulant en chaise roulante. Les trottoirs qui auraient pu permettre une circulation plus fluide et moins dangereuse aux non-voyants circulants avec une canne, servent de parking et d’étalages. Frantz Dorvilus demande une intégration totale des personnes souffrant d’une déficience, il faut stopper sous toutes ses formes les préjugés dans les institutions.

La ténacité de Rachelle Alexis et de Frantz Dorvilus m’aura appris à viser toujours plus haut, à franchir les barrières que la vie impose et à relever les défis de la société. Faire usage du mot handicapé pour les décrire me donne un pincement au cœur, ce sont des étudiants joyeux, chaleureux, courtois, intelligents et appliqués. Pendant ces 4 années d’études à leurs côtés, j’ai fini par croire qu’ils finissaient par me voir… Il leur est impossible d’apprécier la lumière du jour, mais parfois, il faut fermer les yeux pour ressentir, faire silence et poésie, pour mieux apprécier la beauté de l’univers.


Le carnaval, pour calmer les nerfs d’une population affamée

Il faut se rappeler que le premier mouvement du président élu -mais pas encore investi- (c’est prévu pour le 7 février prochain), c’est de délocaliser le carnaval national. D’après ses dires, ou plutôt ses ordres, l’édition de cette année aura lieu dans la 3e ville du pays, les Cayes. La nouvelle est tombée, la vidéo circule sur les réseaux sociaux, promesse issue d’une rare fougue alimentée par une foule en délire.


Premier pas du Sir. Trois jours de festivités… à croire qu’il ne faut que ça pour calmer la faim qui tenaille les tripes dans l’arrière-pays rongé par le cyclone Mathieu. Au fond de lui, il est sûr de bien faire. Qu’est-ce qu’on ne fera pas, qu’est-ce qu’on ne dira pas devant une foule qui vous acclame comme si vous étiez le bon dieu ? La culture de la célébrité, maladie du XXIe siècle. Qui n’en souffre pas ? On est tous accro à la gloire et à l’acclamation. Mais un président élu peut-il prendre la parole sans mesurer l’impact que ses mots auront sur le pays ? Peut-il décider seulement pour faire plaisir à un certain groupe ? Planifier le Carnaval national ne serait pas la responsabilité du maire de Port-au-Prince, sous la bannière du ministère de la Culture ? Est-ce que la présidence va s’immiscer dans la moindre chose, comme elle l’a fait pendant ces quatre dernières années ?

Haiti Press Network

M. le Président, voici un débriefing de la réalité à laquelle ton gouvernement devra faire face à partir du 7 février prochain, au cas où ton entourage manquerait à son devoir : Mathieu a dévasté les départements du Sud et de la Grand’Anse. Entre morts et dégâts matériels, il y a toute une population qui peine à se relever. Sans oublier les 10 000 morts et les 800 000 victimes du choléra. Vont-ils eux aussi tomber dans l’oubli, comme c’est le cas pour les milliers de victimes du 12 janvier 2010 ?

À chaque goutte de pluie, des villes sont inondées et le virus du choléra se propage. L’eau potable représente un défi actuellement dans les zones reculées du pays. Parlons du secteur de la santé qui grève par intermittence. Quand ce ne sont pas les médecins, c’est le personnel médical. Quand la grève ne gravite pas autour du paiement des médecins, elle est due au manque de matériel médical.

Quelle sera la réponse à ces milliers d’haïtiens qui ont fui vers le Brésil, le Chili, la République Dominicaine et tous les autres Eldorados ? Et ces 50 000 expulsés pendant l’année 2016 par la République voisine et la Colombie?

En 2015-2016, 60 % de la production du petit mil a été ravagée par le parasite appelé puceron jaune. Or le petit mil est la 3e céréale du pays , après le riz et le maïs, 300 000 planteurs et leurs familles en dépendent. En 2012, Haïti était le 2e importateur de produit en plastique de la République Dominicaine après les Etats-Unis, avec 67,3 millions de dollars. Et aujourd’hui en 2017, soit 5 ans plus tard, ces chiffres ont peut-être triplé car les produits dominicains dominent encore le marché haïtien.

L’immigration ne peut pas offrir un passeport à un citoyen haïtien vivant en Haïti ? Votre administration devra en offrir 30.000 aux citoyens que la République Dominicaine qui promet d’expulser sous peu.

Qui se chargera de sauver l’honneur et l’avenir des jeunes filles qui subissent des viols collectifs dans les rues d’une ville pourrie jusqu’à la moelle ?

A croire que la chose la plus urgente à faire c’est de parler Carnaval. Le peuple haïtien, habitué à ce genre de délire, applaudit avec son bandeau sur les yeux.

Combien de promesses avez-vous faites ? Combien d’entre elles pourrez-vous tenir ?

Mal-Heureusement nous sommes un peuple qui danse. Nous danserons avec la faim au ventre, avec la violence dans les rues. Nous danserons bien que la jeunesse du pays se rue vers le Brésil, le Chili, les États-Unis. Autrefois, les esclaves dansaient dans les champs pour leurs incantations et oublier les fouets des commandeurs. Lourd héritage, aujourd’hui nous dansons pour voiler notre faillite.

M. le Président, à côté du tapis rouge, du cortège, des gros baraqués armés jusqu’aux dents, il y a aussi les responsabilités. Mais je vous accorde encore le bénéfice du doute. Je vous accorde les 100 jours à venir.

 

 

 

 

 


Haïti : suis-je le dernier survivant du 12 janvier 2010?

Rien ne sera plus jamais en équilibre, je vis constamment avec l’angoisse que tout peut s’arrêter à la seconde, ma quiétude d’esprit a pris un sérieux coup.  Ça fait 7 ans déjà, plus précisément 2 555 jours, 84 mois et 364 semaines depuis que le tremblement de terre de magnitude 7.5 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti. Il ne se passe pas une journée sans un petit incident pour me rappeler ce qui s’est passé. Le 12 janvier n’est plus une date, il est devenu ma vie et je le vis au quotidien, aussi lourd que ça puisse être.

La voiture qui démarre, l’ascenseur qui se met en marche, le vent dans les feuilles, un poids lourd qui passe,  un chat qui saute par la fenêtre, tous ces petits instants deviennent des obstacles à surmonter. Toutes ces entrevues que j’ai volontairement ratées à la vue de l’immeuble où le bureau est logé. Les souvenirs de béton et de chair en bouillie sont là sous mes paupières. Loin de moi la volonté de rouvrir la blessure, mais la mienne est là qui saigne et entache mon quotidien depuis 2 555 jours.

Ce n’est pas la peur de la mort qui me tracasse, mais c’est cette mort là que je ne veux pas. Violente, involontaire, surprenante. C’est cette image d’une ville couverte de poussière à feu et à sang que je ne veux pas revoir et qui me revient par flashes, ces rues jonchées de corps et de cris qui me met les entrailles en feu. J’aurais aimé que ça s’arrête, j’aurais souhaité passer un trait comme certains l’ont déjà fait. Oublier pour une fois ces visages meurtris de survivants en détresse, ces visages arrachés par l’horreur. Une ville, un pays nu face au monde. L’attente indéfinie d’un membre de la famille, d’un ami, du voisin qui sera en vie. L’attente d’un visage familier pour nous aider à tenir avec plus de fermeté le fil de l’existence. Je veux que ça s’arrête enfin. C’est trop lourd à porter.

La violence de ces secondes ne veut pas me laisser, les souvenirs ne se fanent pas. Suis-je le dernier survivant ?  Quand déjà tout le monde trinque, danse, construit et reconstruit de la même manière et même pire qu’avant. Est-ce qu’on est vraiment ce peuple sans mémoire ? Qui oublie tout l’instant d’après? Même la pire des horreurs ?

A tous ceux qui, jusqu’à présent s’accrochent à une image, une voix, et pour qui cette date est une blessure. Vous n’êtes pas seuls, vous faites partie de cette élite à qui la mémoire tient toujours. Ils sont encore là au bord de la rive, attendant de traverser, mais notre soif de violence, de pouvoir, notre cupidité, notre hypocrisie, notre volonté à toujours tout oublier les empêche de trouver le chemin vers la lumière.

Je ne veux pas être le seul survivant du 12 Janvier 2010.


Au-delà du mur des apparences

formation à Madagascar
Crédit Photo: Innocent Awuvé Azilan

En quittant Haïti pour Madagascar, un bon ami m’a confié avec un ton très sérieux : « ne leur parle pas de Matthew, ne leur parle pas des élections ». Je lui ai donc promis de faire bonne impression. Loin de moi l’intention de mentir ou de jouer l’hypocrite ni de faire croire à tout le monde que chez moi c’est l’Eden… J’ai compris son inquiétude, un Haïtien hors du pays est un porte étendard, c’est un drapeau qui flotte, qu’il en soit conscient ou pas. Alors j’ai pris l’avion avec l’objectif d’être le meilleur Haïtien qu’un Malgache ou qui que ce soit d’autre puisse rencontrer.

Arrivé dans la métropole malgache, j’ai défait mes valises avec mille précautions. L’Haïtien que je suis ne veut surtout pas d’épithètes qui pourraient lui coller à la peau et qui pourraient desservir son pays. Les jours suivants, je rencontre une quarantaine de jeunes gens, de 16 pays différents. Ils sont fiers de ce qu’ils sont, ils portent les couleurs de leurs pays avec assurance. Certains d’entre eux s’expriment en français avec un accent qui pourrait en faire rire plus d’un, mais à quel moment ai-je oublié qu’une langue était censée nous réunir plutôt que d’être un objet de discorde ?

J’ai donc ouvert grands les yeux, saisi d’émerveillement devant une jeunesse fougueuse, amoureuse de la vie et des autres. Cela me rappelle tous les papiers que je devais présenter à l’ambassade pour obtenir mon visa. Tous les mails que j’ai reçus et envoyés. Arrivé à Tananarive (Antananarivo), nos passeports étaient dans nos valises et les frontières érigées sur nos routes dans une chambre assez sombre et humide de nos souvenirs. Nous étions tous membres d’une grande famille, on avait seulement hâte de nous retrouver ensemble autour d’un bon dîner !

D’entrée de jeu, les barrières sont tombées, (euh… désolé, que les choses soient claires, il n’y en a jamais eues !). Pour nous rencontrer, nous avons traversé seize (16) frontières terrestres érigées par les gouvernements. Mais nous, dans nos coeurs, nous sommes des citoyens du monde, l’univers est notre cour de récréation.

Que peuvent se dire des personnes de 16 pays différents pendant une semaine ?

belle experience à Madagascar
Crédit Photo: Georges Attino

Nous avons discuté de notre jeunesse, de la jeunesse de notre pays, de nos défis personnels, de nos gouvernements respectifs, des avancées, de ce qui peut être fait, de ce qui doit être fait et de comment on peut influencer positivement nos pays respectifs et le monde.

Promesse non tenue

Je n’ai pas tenu ma promesse frère, la conversation a tourné autour de nos cassures. J’ai effleuré les problèmes d’Haïti avec les autres. Eux aussi m’ont confié des pans de leur histoire. Nous sommes arrivés à un tournant de l’histoire de l’humanité où nous devons accepter nos erreurs, apprendre de nos fautes, nous taire certaines fois pour mieux apprécier la voix de l’autre.

La leçon apprise pendant cette expérience à Antananarivo peut se résumer ainsi, c’est la diversité, l’acceptation de l’autre dans toute sa plénitude qui sauvera l’humanité. Quand on commencera par accepter les nuances de couleurs qui font d’un arc-en-ciel un chef d’œuvre, on sera sur la bonne voie.

Antananarivo, le 26 Novembre 2016

 


Lettre à un ami

Futé Marketing
Futé Marketing

Les commentaires des uns et des autres, certains acerbes d’autres plus doux m’ont amené à lire ton billet. Je l’ai lu d’un trait et ton texte m’a permis de jeter un regard sur mon parcours, mes attentes. Loin de moi la prétention de te critiquer.

Je ne saurais compter le nombre de fois où mon nom n’a pas figuré sur les listes. Nombre de concours de journalisme, d’écritures, où ce que j’ai écrit a laissé le jury de marbre. Je ne saurais compter le nombre de fois où j’ai douté de ce feu en moi. Certaines fois j’ai cru que ce que j’écrivais n’avait aucune valeur. Je voulais l’approbation des autres pour valoriser ce que je faisais, j’ai connu beaucoup de déceptions, j’ai même été proche de la déprime. Et dans cette course folle pour publier, avoir une mention, être invité, j’ai failli oublier pourquoi j’avais commencé à écrire.

 L’écriture, une aventure solitaire

pour le plaisir d'ecrire
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Mon frère, j’espère grandement que tu lis ces lignes. Ne perds pas de vue les raisons qui t’ont poussé à tenir une plume un jour. Ne perds pas cette étincelle. L’écriture est ta liberté. L’écriture est ton univers. J’ai grandi dans une petite ville, avec l’impression d’avoir été la plupart du temps incompris, la lecture et l’écriture ont été mon refuge. J’ai créé mon monde. Un univers où  je me sentais accepté, bien au chaud. Et ce cocon me protège encore aujourd’hui contre tant de choses. Le blogging et les réseaux sociaux sont venus longtemps après. Longtemps après les cahiers bien remplis de réflexion et les bouquins chargés de souvenirs.

L’écriture est une aventure solitaire. C’est un chemin que tu dois emprunter seul, fais le pour toi, pour ce petit garçon au fond de toi, ce rêveur que personne ne peut taire. N’écris pas pour un prix ou pour un voyage, n’écris pas pour une place dans la société ou pour être reconnu à chaque coin de rue. Écris par ce que ça te démange comme une maladie. Écris parce que tu n’as plus le contrôle sur la plume et sur l’encre. Écris parce que les mots te réveillent la nuit en sueur.  Écris parce que trop d’univers habitent tes paupières.

Rentres dans ta chambre ou vas quelque part où tu te sens toi, vulnérable, défais toi de ta carapace, enlève les moindres traces de maquillage. Redeviens aventurier, redeviens un enfant, prends ta plume et ton cahier, dessine ton monde à toi. Construis ce cocon dans lequel tu pourras retourner quand la célébrité, les photographes, les paillettes, les likes, les shares, les invitations sur papier glacé, les longs dîners ne seront plus. Construis ton univers, celui dans lequel tu es tout ce que tu veux.

Frère, sur le sentier de la vie, les portes se fermeront. Certaines fois on fera semblant de ne pas te reconnaître. La blessure sera douloureuse, mais elle sera aussi ton magma. Cette énergie qui te permettra de rebondir. Ne laisse personne te définir. Ne laisse personne te coller des épithètes. Tu es ton propre créateur. Je ne veux pas croire que ta motivation pour écrire s’était réduite à un seul horizon quand il y a l’immensité qui t’attend.

Vas-y frère, reprends ta plume. Il y a trop de rêves à cristalliser.

 De Port-au-Prince Haïti  avec tout l’amour d’un blogueur.

 

 


Madagascar, mémoire d’un voyageur

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L’aventure dans la métropole malgache continue, il m’a fallu une journée entière et quelques heures de plus pour retrouver mon équilibre. Deux jours sans fermer l’œil de la nuit et un décalage de plus de huit (8) heures entre Haïti et Madagascar. J’entame donc ma visite dans cette capitale cosmopolite un peu désorienté.

Mon équilibre retrouvé, j’ouvre un peu plus grand les yeux pour apprécier ce qui s’offre à mon regard d’étranger en quête d’exotisme, de repères et de souvenirs. J’ouvre grand la fenêtre de ma chambre d’hôtel pour humer l’air frais malgache, il est six (6) heures et le soleil est déjà très haut dans le ciel. Le brouhaha de la rue parvient à mes oreilles, quelques klaxons de taxi et des échos de voix résonnent çà et là. Dans un immeuble en face, des soldats font quelques pirouettes. Dans la salle de bain, mon collègue « Mondoblog » prend sa douche. Madagascar s’exprime dans un langage que je capte jusqu’à cette minute. Je ne me sens pas dans la peau d’un étranger égaré dans un pays à l’autre bout du monde. Plutôt un enfant de la terre faisant de plus ample connaissance avec la Matrice.

Je regarde à travers la fenêtre du bus qui fait la navette entre l’hôtel où nous sommes logés et le village de la Francophonie où se déroule la formation sur le journalisme en ligne et le « blogging » avec « Mondoblog », une population qui se débrouille du lever au coucher du soleil. Je vois un sourire qui ne se fane pas, une courtoisie hors du commun, un regard porteur d’espoir sur l’avenir. Les Malgaches s’ouvrent posément au monde.

Coup de cœur

L’Arlequin

Ce restaurant sympa où nous dînons tous les soirs vers huit (8) heures est tenu par un homme et son fils. La courtoisie est sans borne. Les plats diffèrent les uns et des autres, offrant à mon palais d’autres saveurs. Au menu de l’indien, du Marocain et des plats européens. Un petit clin d’œil complice à la crème à la glace et le litchi.

La conversation autour du Baobab

les baobabs representent de la grandeur pour Les Malgaches

Un bloggeur a le droit de satisfaire sa curiosité, c’est peut-être une loi, écrite je ne sais où. La présence du Baobab un peu partout a attiré mon attention. Ce grand arbre majestueux domine le regard. A Madagascar, il représente un symbole solennel et royal, c’est ce qui explique sa présence sur les cartes postales, aux bords des routes, sur les affiches, etc. Il y a même des restaurants du nom et une classe Baobab sur certaines lignes aériennes, m’a confié une bloggeuse Malgache.

 

Le Mojo

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Antananarivo regorge de ces endroits mythiques où l’Haïtien que je suis peut vivre au rythme de la nuit. Sans l’alerte constante des taxis et des voitures privées, des marchands ambulants qui vous offrent l’artisanat local. La circulation retrouve sa fluidité, l’atmosphère devient un peu plus humide.

Vivre au rythme de la nuit de Madagascar c’est arpenter ses dalles le soir, dans ces rues quasi sombres et tranquilles. A quelques centimètres des trottoirs des portes s’ouvrent sur des univers qu’il faut à tout prix découvrir, et apprivoiser, au besoin. Parmi eux, le Mojo.

Je monte une à une les marches du Mojo, habité de ce sentiment d’être dans un film d’un autre temps. Une lumière rouge, diffuse, prêtant à confusion me happe dès l’entrée. Me voilà dans un univers tapissé de rouge où tous les breuvages du monde sont exposés (j’y vais un peu fort là). Le Mojo est un bar à liqueur où ceux qui ont besoin d’un peu de velouté ou prendre le pied sur le décalage viennent prendre quelques verres et surtout danser au rythme du temps sur la piste de danse.

Rindra, une bloggeuse locale me fait tâter le pouls de la blogosphère malgache, leur approche d’internet et des réseaux sociaux. Madagascar est un pays de liberté d’expression. A travers son blog elle peut toucher le sujet qu’elle veut. Les femmes Malgaches peuvent choisir librement les études et embrasser l’avenir désiré. Bravo. Je suis curieux de la liberté des femmes. De la liberté des autres. Minorité, majorité, quel que soit l’étiquette collée par la société, je suis curieux du bien-être et de la liberté de l’autre.

Je reprends Air Madagascar pour Paris avec le sentiment d’avoir raté quelque chose, je n’ai pas visité le château de la Reine. Je n’ai pas eu le temps de visiter le pays profond, loin des gratte-ciels et le farniente. Je n’ai pas su interpréter le sourire des enfants des rues. Je me promets de revenir un jour. Je ne sais pas quand, mais un jour. Ce jour-là j’ouvrirai la fenêtre pour devancer l’aube,  je verrai le soleil se lever sur ces milliers de sourires. Ces milliers de petits visages ronds, ces yeux curieux et tendres.

 

Salama Malagasy

 

 

 


Madagascar à travers les yeux d’un Haïtien

Apres 22 heures de vol, Haïti-Point-à-Pitre / Point-à-Pitre-Paris / Paris-Antananarivo,  j’arrive sur ce bout de terre sans idées préconçues et sans appréhension. Avec le cœur ouvert et la volonté de découvrir un peuple dans son essence, un peuple qui d’après mes premières 24 heures d’observations, vit au  rythme du soleil qui se lève, de la pluie qui tombe par gouttelette à travers le hublot sur les ailes de ‘’Air Madagascar’’.

 Après le service impeccable offert par Air Madagascar et les 11 heures de vol qui relie Paris et Antananarivo, la capitale Malgache. La deuxième chose qui me frappa est ce tableau à l’aéroport. Une installation de tous les animaux en voie de disparition de Madagascar. Sensibiliser les visiteurs sur l’extinction de certaines espèces et rappeler aux Malgaches l’importance de les protéger dans leur environnement. Une balade dans la ville me rassure sur cette démarche, les rues sont propres et entretenues, la verdure est présente, le lac artificiel Anosy scintille dans une aire de repos bordée d’arbre. Des policiers et des gendarmes parcourent les rues.

 
Récapitulons, je vais un peu trop vite.

L’avion Air Madagascar atterrit à 6 hrs du matin sur la piste de l’aéroport Antananarivo Ivato. Une superbe descente, je n’ai même pas senti le choc entre les roues et la terre ferme. Les passagers applaudissent moi y compris, je félicite (dans mon cœur) l’équipage pour ce super voyage de onze heures. A l’immigration, tout s’est bien passé, j’ai le visa Malgache. L’aventure se poursuit.

En route pour l’Hotel

Dans le bus vers l’hôtel, je découvre les premières images en temps réel (outre mes nombreuses recherches sur Google image depuis Port-au-Prince étant) un marchand de pain transporte un panier de baguettes, des jeunes font leur jogging, des femmes et des enfants balayent devant leurs portes, des fenêtres s’ouvrent, de la fumée s’élève de certaines maisons, la vie éclos lentement à travers  le brouillard.

Je rentre à l’hôtel, un morceau de papier sur la table basse me souhaite la bienvenue (aimable attention). Le petit déjeuner et le bus nous attend en bas. Il y a tout un monde à connaitre et à cristalliser.

 

A SUIVRE…

 

 

 

 


Syndie Désir. Envol d’une déesse du terroir

Des dents blanches aux allures des coraux de la Caraïbes, une peau noire de jais qui contraste parfaitement avec ce sourire déesse du soleil dont elle affiche. Je suis en présence de Syndie Désir, une fleur d’Haïti qui éclos malgré toutes les embuches dressées sur son parcours. Du 23 septembre au 2 octobre dernier, elle représentait dignement Haïti à Miss Progress en Italie. Coup d’œil sur cette figure qui gravit en talon aiguille  les marches pour se figurer dans la longue liste des divinités de l’ile.

Crédit Photo: Gio Casimir
Crédit Photo: Gio Casimir. Accessoire : Spectraa Couture

 Assis en face de Syndie pour l’entrevue, j’ai dû me retenir pour ne pas la serrer dans mes bras à chaque instant. Et pourtant nous étions à notre deuxième rencontre. Sympathique, joviale et passionnée, sa présence allège l’atmosphère et rend la conversation limpide.

Syndie Désir fait partie de ces reines de beauté ayant représenté le pays au niveau international. Quatre (4) concours de miss à son actif, elle aura laissé son empreinte à Miss Vidéomax, Miss Anayiz, Miss Haïti et plus récemment Miss Progress International. Des compétitions qui lui ont permis de se mettre au défi, de représenter valablement qui elle est, ses idées, sa vision du monde. À côté de ses études en psychologie, elle est mannequin de Zoule agency, enchaînant les séances de photo et les clips vidéo. On l’aura vue dans le dernier clip ‘’Kite yo pale’’ marquant le grand retour du groupe ‘’Sweet Micky’’.

Syndie a voulu aussi clarifier ce qu’est un concours de beauté aujourd’hui et l’impact qu’il peut avoir sur une jeune femme. Pour elle, ces activités ont leur place dans la société. Elles participent à l’émancipation de la femme et offrent une plate-forme à celle qui désire influencer positivement les autres. Celle qui désire vendre ses idées, qui veut montrer que la femme a beaucoup plus à offrir à la société que cette petite boite dans laquelle l’imaginaire collectif veut la confiner. Un concours de beauté apporte beaucoup d’estime pour certaines femmes qui en manquaient et leurs permet de tenir les rênes de leurs vies, selon les considérations de Syndie.

L’expérience à Miss Progress International

Elle explique que ce concours sur les planches internationales, à Puglia en Italie, a été l’une de ses plus belles expériences. Elle était la seule à porter sa charge culturelle, à vanter les couleurs d’Haïti, à s’exprimer en créole. Il a été demandé aux concurrentes de présenter un projet viable pour leur communauté et Syndie s’est démarquée des autres candidates avec le sien. ‘’Sove lavi yon Timoun’’ (Sauvons la vie d’un enfant), Un projet pour accompagner les femmes enceintes de la Ville de Bel-Anse et des plans pour contrecarrer la malnutrition dans la zone.

Elle avoue, cependant, que ces compétitions peuvent être des couteaux à double tranchant. Etre sous les feux des projecteurs, avoir ses photos étalées dans les réseaux sociaux, les critiques peuvent être vraiment acerbes. Et certaines ne supportent pas tant de pression. Pour Syndie ses expériences lui ont permis de faire l’équilibre, se situer, voir le regard que porte la société sur elle, ce que pensent les autres  et le plus important, à forger sa propre opinion d’elle-même.

 Sa définition de la beauté

L’unicité. La différence. Juger la beauté équivaut à juger l’univers dans toute sa diversité. On ne saurait se baser sur des critères pour dire ce qui est beau ou pas. L’univers est bien trop généreux.

De nos jours, il y a une dangereuse quête de beauté parfaite et éternelle. Certaines personnes ont été même à subir des chirurgies extrêmes pour ressembler à un idéal vanté dans les magazines, la télévision, etc.  Cette quête fait beaucoup de dégâts, aussi intérieur qu’extérieur. Le chemin de l’acceptation de soi peut-être difficile mais c’est le meilleur moyen pour embrasser qui on est. Syndie Désir conseille aux jeunes de s’affirmer, de célébrer la matière avec laquelle ils sont venus au monde.

 Représenter Haïti dans l’international

Chaque fois qu’un jeune représente le pays dans l’international, il dévoile une facette du pays, il apporte quelque chose de nouveau dans cet amas d’informations véhiculées par les medias internationaux qui ne sont pas toujours flatteuses.

Ce n’est pas une tâche facile et elle applaudit tous les jeunes qui ont déjà eu cette responsabilité et aussi ce privilège.

Syndie Désir poursuit tranquillement ses études en psychologie, elle se promet de s’impliquer un peu plus dans le social et se prépare pour d’autres concours qui pourraient se manifester.

 @Novembre 2016

 


L’immigration en Haïti, un service à l’agonie !

Obtenir un passeport en Haïti est un défi de taille, si on n’est pas copain-copain avec un haut placé de cette cellule de l’administration publique, ami d’un certain parlementaire, passer par une agence ou magouiller comme un fou. Le passeport, qui est un service public est un luxe que vous ne pourrez pas vous payer.

Crédit Photo https://www.haitianinternet.com
Crédit Photo https://www.haitianinternet.com

Il est 10 hrs du matin, une foule s’amasse devant les barrières de l’Immigration, un spectacle habituel pour les passants empruntant la route de Lalue. L’enceinte est pleine à craquer, les différents services donnent l’air de bien fonctionner, il est encore tôt. Quelques minutes suffisent pour avoir les pouls de l’institution et voir que son fonctionnement n’est qu’un affreux spectacle. Ce vendredi 28 octobre 2016, l’effervescence était à son comble. Une foule en liesse attendant la livraison de leur passeport a perdu patience, à les entendre, certains d’entre-eux patientent depuis 6 mois et même plus. S’amassant devant la grille menant à l’étage supérieur, où les dossiers les plus chanceux auront la chance d’être pris en compte et où se fait l’impression, les policiers et les agents de sécurité essayent de faire régner le calme. Scandant à tue-tête ‘’vive’’ et ‘’abas’’, ils ont attiré l’attention des membres de la direction. Quelques minutes plus tard, deux personnes sont venues chercher ceux qui faisaient le plus de bruit pour aller s’occuper de leurs cas. Sans leader alors, la foule s’est calmée pour le reste de la journée, dans leur intérêt.

Deux personnes dans la foule ont profité pour enregistrer la scène avec leur téléphone portable. Les ayant aperçu les policiers les ont accompagné au sous-sol pour les interroger et surtout fouiller leurs appareils à la recherche d’images ou de vidéos qui pourraient prouver, encore une fois, au monde entier ce que nous savons depuis 212 ans d’indépendance ; l’incapacité de l’état à fournir le moindre service à la population.

Au service d’Immigration en Haïti, la priorité est donnée aux autorités, aux membres de leur famille, à leurs amis, aux amis de certains employés qui ont de l’influence, aux agences qui font leur beurre depuis des décennies et qui par la même occasion graissent la patte à certains employés pour faire avancer les dossiers. Ceux qui veulent passer par la voie normale, légale sans magouiller sont les derniers sur la liste et leurs dossiers sont traités si le temps s’y prête, si les employés sont de bonne humeur. Un  passeport qui aurait pu être livré en une semaine le sera dans 6 mois ou plus.

Le citoyen français obtiendra son passeport dans 1 mois et demi. Le citoyen américain l’obtiendra  en une semaine, le même jour en cas d’urgence. Le citoyen canadien l’obtiendra dans 20 jours. Le citoyen dominicain l’aura dans une semaine, le jour même  en cas d’urgence. Et dans aucun de ces pays les citoyens n’auront besoin de magouiller ou de jouer frotti frotta avec qui que ce soit pour un service qui leur est dû. Car, délivrer un passeport est un service, ce n’est ni une faveur  ni cadeau d’anniversaire ou politique.

Ce service bancal offert par l’Immigration en Haïti est à l’image du pays, à l’image de ses dirigeants en panne de vision et de leadership. Il est temps que la direction de l’immigration redevienne un poste citoyen au lieu d’être un poste politique. Il est temps de mettre fin au règne de ces employés qui croient et agissent comme si le service public était l’héritage de leurs ancêtres. Il est temps de freiner la partisannerie et d’offrir les mêmes opportunités aux fils de la nation. Un pays qui ne peut pas offrir les services de bases à ses propres citoyens est un pays failli.

N.B : les délais de livraison  dans les pays mentionnés plus haut ont été confirmés par des citoyens de ces pays.

 


Divinité du Terroir. Gessica Geneus

Elle se présenta à l’entrevue le visage nu, dénué de toute trace de maquillage, un sourire serein, enfantin. On passerait des heures rien qu’à la regarder, essayant à tout prix de voler une parcelle d’elle-même, de son énergie, de ce lieu de sérénité où elle se trouve. Aujourd’hui, Gessica est une femme, une mère, une épouse, la sœur qu’on aurait tous aimé avoir, et par-dessus tout une actrice qui trace sa marque sur la scène internationale, et enfin, une professionnelle qui suit ses ambitions.

Cette entrevue a eu lieu en mars dernier, en prélude à la célébration de la Journée Internationale de la Femme. Gessica a partagé avec nous sa vision de la Femme Haitienne d’aujourd’hui.

Photographe: Verdy Verna
Photographe: Verdy Verna

Quelle est ta vision de la femme haïtienne d’aujourd’hui ?

Pour moi, la femme Haïtienne d’aujourd’hui est plus un concept qu’une réalité. Les mots utilisés par la société pour parler de la femme haïtienne sont tellement flatteurs. Femme forte. Poto Mitan. Des qualificatifs qui vous donnent envie de rencontrer cette femme haïtienne tant couverte d’éloges. Mais dans la réalité on trouve plus de femmes écrasées par la vie, des femmes mises à l’écart, des survivantes. La femme Haïtienne n’est pas épanouie comme on voudrait nous le faire croire. La réalité est autre chose.

 Ta définition de la liberté.

Être en parfaite connexion avec moi-même, être consciente de mes actions, de mes décisions. Être consciente de l’influence de mes décisions sur les autres, celle des autres sur ma vie. Comment mes actions peuvent influencer mon quotidien ? Ma quête de liberté ressemble à ça.

Comment vois-tu la femme haïtienne de demain ?

Pour moi la femme haïtienne de demain n’existe pas encore. C’est vrai que j’ai rencontré des femmes extraordinaires, mais leur voix n’ont pas encore fait écho. Elles doivent être entendues, elles doivent commencer à inspirer les autres, pour que commence à cristalliser l’idéale de cette femme haïtienne de demain. Cette femme libre, épanouie, consciente d’elle-même, en paix, en paix d’être une femme, en paix d’être porteuse de vie, consciente de son combat. On doit se faire entendre, on doit raconter notre histoire, notre quotidien pour faire équilibre à cette idéale, à cette forme que la société nous propose et qui nous dit voilà comment la femme doit-être.

Gessica, tu es dans un lieu de sérénité, de silence, de paix ? Comment a été cette quête de paix intérieure ?

J’ai eu une adolescence très troublée, n’étant pas née dans une famille aisée, j’ai dû faire face à beaucoup de défis. Aussi intérieur qu’extérieur. Des complexes dus à l’adolescence. Arrivé à un carrefour de ma vie, j’ai décidé de prendre le contrôle de ma quiétude. J’ai décidé d’être sereine. J’ai compris aussi qu’on ne devait pas laisser le soin aux autres de nous rendre heureux, que nous ne pouvons pas déléguer nos priorités aux autres. L’équilibre est en nous, il faut juste la trouver.

 Comment vois-tu la célébration du 8 mars ?

Pour moi, ce n’est pas une journée de célébration mais plutôt de commémoration. Une journée de réflexion sur ce que nous avons accompli, de voir où l’on est et ce qu’il nous reste comme chemin à parcourir.

Tu es actrice, qu’est-ce que ton métier t’apporte de spirituel ?

Je suis obsédée, curieuse de l’autre et je suis en constante observation des mutations du genre humain. Mon métier me permet cette liberté d’être au cœur de l’autre, d’entrevoir l’âme humaine. Chaque projet, chaque film, chaque scénario me permet de pénétrer un univers. De voir d’autres mondes, d’autres visions, de découvrir d’autres lieux. Le cinéma traite de l’humain, ça m’apporte beaucoup et me permet de grandir sur plusieurs aspects de ma vie.

 Où fais-tu le plein d’énergie pour faire l’équilibre ?

J’en puise partout, mon mari, mon fils, ma mère, ma sœur, mon travail, mes projets. Je suis entourée d’amour et de passion.

Conseils aux jeunes.

Je dirais aux jeunes de cesser de vivre dans l’instant, de faire en sorte que leurs vies aient un impact positif sur les autres. Visez l’éternité, visez le durable.  ‘’Pran kle lavi nou nan men moun nou bay li a, pran kontwol tèt nou’’

N.B: Entretien publié dans les colonnes de RD Magazine en avril 2016